Le roi Brion est mort. Un accident. Mais Alaric Morgan, l'homme lige du roi, est persuadé que cet « accident » est le fait d'une puissante magicienne Derynie. Lui-même à moitié Derynie, il va tout faire pour protéger le jeune Kelson dont l'anniversaire de la majorité tombe le jour du couronnement.
Cependant, malgré tout ses pouvoirs, Alaric pourra-t-il affronter une magicienne en pleine possession de ses moyens. Et plus encore, comment convaincre l'Eglise et l'Archevêque Loris, ainsi que le peuple, que les pouvoirs magique des Derynis ne sont pas fondamentalement maléfique ou diabolique ? Car c'est bien de ça qu'il est question : un être doué de magie est-il un fils du diable ?
En ce cas, que dira l'archevêque lorsqu'il apprendra que le jeune Kelson est également un deryni...?

Je suis très content d'avoir pu, entre mes colos, trouver le temps de lire ce gros ouvrage qui regroupe en réalité trois romans parus en France il y a déjà quelques années. Je ne connaissais pas du tout l'auteur et sur donc par pure curiosité que j'ai acheté ce roman (et aussi parce qu'il est gros et que l'histoire m'intéressais, quand même...).
Et au final qu'en est-il ?
Un roman divertissant dont l'action se sépare entre intrigues politiques, complots contre le roi et cabales envers la race humanoïde des derynis, dont le seul tort est d'avoir un potentiel « supérieur » à un humain normal.
J'ai apprécié la diversité des situations, la manière dont est rendue la pratique de la magie (lancer un sort requiert la déclamation d'un poème... très esthétique) et la psychologie des personnages. Notamment celle des magiciens derynis (dont Kelson et Alaric Morgan).

Le roman prenant lieu et place dans un monde médiéval, les descriptions s'attachent à le faire vivre et pour ma part y ont très bien réussi. Quel plaisir de lire une description héraldique des blasons, d'avoir enfin des termes adéquats dans la bouche des hommes d'arme. Et cet aveuglement fanatique des prêtres médiévaux envers tout ce qui respire autre chose que l'encens de chapelle...

Malheureusement, une chose à un peu gâché mon plaisir, c'est l'incompétence du correcteur (en tout cas pour l'édition que j'ai). Dans la troisième partie, des noms sont mélangés, des mots mal orthographiés ou manquants... C'est inadmissible de s'écorcher encore les yeux en lisant un roman payé aussi cher et d'arriver à des situations invraisemblables où le même personnage est à deux endroits différents en même temps à la suite d'une inversion dans les noms.

Malgré tout, il serait dommage de passer à côté par la faute d'une mauvaise édition. D'autant que la Saga des Derynis ne se limite pas à cette trilogie mais se poursuit sur encore trois autres trilogies. Le monde est complexe et complet, son histoire bien posée et cohérente. L'opus présenté ici peut se lire comme un tout, ou initier la lecture des aventures du roi Kelson qui se poursuivent dans trois autres volumes, ou enfin prendre place dans la lecture de la saga en troisième position. Dans tous les cas de figure, c'est un régal et je vais de ce pas me plonger dans la suite.

Par Cœur de chene

Extrait :

- Kelson, ne bouge surtout pas.
Morgan s'était figé sur place. Il regardait fixement un point situé à une trentaine de centimètres derrière Kelson, là où le bras du jeune prince s'appuyait sur la roche.
- Qu'est-ce que...
- Pas un mot, pas un geste, murmura Morgan tandis que sa main tirait lentement son épée du fourreau. Il y a une grosse créature rampante, très venimeuse, à quelques centimètres de ta main droite. Si tu fais un seul mouvement, tu es mort.
Morgan fit passer le poids de son corps sur un genou tout en levant silencieusement l'épée. Kelson demeurait immobile, confiant. Seuls ses yeux trahissaient son appréhension en allant du visage de Morgan à l'épée qu'il portait lui-même au côté. Il essayait vainement de voir ce qu'il y avait derrière lui sans bouger la tête.
Avec un éclair d'acier, la lame s'abattit. Au même instant, un cri de femme déchira le silence.
Tandis que la lame frappait plusieurs fois, Kelson roula sur le côté et bondit sur ses pieds, le poignard de sa manche glissant dans sa main, pour faire face au danger. Mais il se figea, médusé, en voyant l'horreur qui se tordait au sol sous les coups redoublés de l'épée de Morgan.
Il eut l'impression fugace d'un corps bulbeux orangé, à peu près de la taille d'une tête humaine, moucheté de bleu et monté sur de très nombreuses pattes frêles qui s'agitaient désespéremment pour essayer de le mettre hors d'atteinte des coups de Morgan, de deux pinces ou aiguillons qui s'avançaient et qui reculaient frénétiquement dans le vide, avant que la créature se transforme en une bouillie informe de rouge et d'orange, à laquelle Morgan porta un coup final de la pointe de son épée.
Kelson prit de nouveau conscience, à ce moment-là, du hurlement de femme qui n'avait pas cessé durant tout l'épisode.
Sortant de l'espèce de transe où il était plongé, il fut surpris de constater qu'une douzaine d'hommes en armes, l'épée tirée, accouraient vers eux à travers le parc. Il y avait avec eux une femme vêtue de noir. Haletant, Morgan abaissa son arme tandis que les hommes encerclaient le prince et lui.
- Jetez votre épée ! cria le capitaine des gardes à Morgan.
La femme dont les cris avaient alertté la garde se cachait à demi derrière le capitaine, les yeux agrandis d'horreur.
- Je l'ai vu ! Je l'ai vu ! hurla-t-elle d'une voix hystérique en pointant le doigt sur Morgan. Il a essayé de tuer le prince Kelson ! Il lui a lancé un sort, et il a voulu le tuer lorsque mon cri l'a arrêté !
- Je vous ai dit de lâcher votre arme ! aboya le capitaine en agitant son épée. Sire, éloignez-vous lentement de lui. Nous allons nous en occuper.
Morgan ne fit pas un geste pour obéir. Kelson s'interposa entre le chef des gardes et le général (i.e. Morgan).
- Ne vous inquiétez pas, capitaine, fit-il en faisant un geste d'apaisement tandis que les gardes se raidissaient en le voyant ainsi se mettre devant l'épée de Morgan. Ce n'est pas ce que vous croyez, Dame Elvira s'est méprise.
- Méprise ! hurla la dame avec indignation. Votre Altesse, vous devez encore être sous l'influence de ses sortilèges ! Il a failli vous assassiner alors que vous étiez cloué sur place. C'est grâce à mes cris qu'il a raté sa cible et que...
Madame, lui dit Morgan d'une voix parfaitement calme, coupante comme un stylet, lorsque je vise une cible, je l'atteins toujours, et les hurlements d'une femme  hystérique ne m'ont encore jamais fait rater mon coup !
D'un geste de défi, il enfonça la pointe de son épée dans le sol meuble et vibra quelques instants, comme pour ponctuer ses paroles.
Les gardes, déconcertés, avaient abaissé leurs armes pendant ce temps. Sur un signe du capitaine, ils rengainèrent.
- Pardonnez moi, Sire, mais il m'avait semblé...
- Je sais ce qu'il vous a semblé, coupa impatiemment Kelson. Inutile de me présenter des excuses. Vos hommes et vous avez agi dans l'intention de me protéger. 


Éditions Pocket - 1043 pages