Ici, A. Cathrine nous propose de suivre la vie de Richard Taylor, époux ordinaire, une vie comme tout le monde, monotone, une enfant en bas âge adorable, un bon travail, des collègues sympathiques, des amis divers et variés. Il a pourtant tout pour être heureux. Mais non ! Il y a quelque chose qui cloche dans le tableau. Le grain de sable qui va tout faire dérailler, ce sont les gémissements et cris accompagnant les activités nocturnes de sa charmante voisine. Richard Taylor craque et décide de tout plaquer, de définitivement disparaître.

Roman à plusieurs voix, ensemble de témoignages des femmes ayant vécues ou connues de près ou de loin le disparu. Ces femmes vont nous apporter quelques éclairages, donner un peu plus d'épaisseur à cet homme qui a fuit sa vie dans laquelle il ne s'y retrouvait plus. Marre de jouer un rôle qui le gêne aux entournures. Résultat, malgré ces éclairages, à la fin de cette lecture, en sait-on un peu plus sur cet homme ? C'est pas certain. Juste un portrait étrange d'un homme vague qui file à l'anglaise. On gagne également un beau chapelet de portraits de femmes, toutes plus ou moins tourmentées elles aussi. Quelle époque ?

Roman sensible à lire quand on est bien dans sa tête parce qu'il peut plomber un peu le moral tant l'ambiance est grise, incertaine. Si vous n'avez jamais lu de romans de A. Cathrine, c'est le risque à courir.

Deux bémols à cette polyphonie : j'ai vraiment lâché prise lors des témoignages de la mère de Richard et de Sarah Kane. La première m'a tellement horripilée que pour ma sauvegarde j'ai préféré passer des pages. On peut donc aisément comprendre le geste de son fils face à un tel caractère. La seconde, parce qu'il me manquait quelques références littéraires. En effet, savoir que Sarah Kane était une dramaturge anglaise, qui s'est suicidée, aurait pu m'aider à mieux apprécier son intervention. Là, je suis totalement passée à côté.

La dernière page tournée, le livre fermé, m'est restée une étrange sensation. Celle d'une histoire où il manque, selon moi, un tout petit quelque chose, indéfinissable, pour que j'adhère totalement.
Histoire à lire pourtant.. même si cela ne sera pas ma préférée des histoires racontées par l'auteur.

Du même auteur :  Nos vies romancées, Les choses impossibles, La vie peut-être, Sweet home, La route de Midland et Les vies de Luka

Dédale

Extrait :

- Je ne voudrais pas vous plomber avec ma musique..
- Je ne crains rien.
- La trompette est un peu funèbre sur ce morceau.
- Il a le mérite de jouer franc-jeu au moins, votre Stevens.
Ce type m'angoissait. Il ne me faisait pas peur. Je ne craignais pas d'être tombée sur un maniaque qui allait profiter d'une aire d'autoroute pour me trucider. Juste : il paraissait tellement loin, non pas amer ni revenu de tout comme les cyniques (qui sont, à mon avis, les êtres les plus susceptibles de s'accommoder de tout et de vivre dans une paix relative), non, il semblait flotter dans un au-delà de la tristesse et du découragement. Avec une certaine douceur. Qu'est-ce qu'il y a après la suicide... Mais non, ce type allait à Swindon, il s'apprêtait à chercher un job, selon ses dires, il continuait à vivre. Péniblement mais : vivre. Je suis toujours étonnée par ces êtres qui ont tout pour céder et ne cèdent pas. Qui ont tout pour se traîner à genoux mais se tiennent encore debout.
Nous nous sommes tus. J'ai écouté un moment Stevens, sans plus me soucier de mon passager. Quand j'ai tourné les yeux vers lui, il dormait, la tête calée contre la vitre.

La disparition de Richard Taylor
Éditions Gallimard Folio - 214 pages