Dans Incubateurs, on retrouve un couple atypique qui a décidé d'avoir un enfant qui naît très prématurément. Dans Protéine vers fluo un adolescent, dont le père vient de mourir et dont les cendres sont dans une pierre de curling, apprivoise son nouveau quartier et y rencontre un nouvel ami passionné de science. Dans Les Bénins bénis, un homme souffrant d'une tumeur bénigne recherche des gens comme lui pour former un club et tenter de trouver la source de leur mal. Dans Big Bang une fillette souffre d'une maladie étrange qui la fait vieillir à une vitesse exponentielle. Dans Album, deux jeunes gens tentent de vivre après une fusillade qui a eu lieu dans une petite ville et pour laquelle chacun d'entre eux a quelques raisons de se sentir «coupable». Dans La boîte à papillon on suit le deuil d'un jeune homme élevé par son père artiste et qui vient de le perdre. Dans Drôle tordant ou drôle bizarre?, on retrouve les personnage de Protéine vert fluo, cette fois du point de vue de la veuve. Finalement, dans Extrémités, la nouvelle la plus étrange et détonnante du recueil, on suit les pensées d'objets inanimés.

Voilà un recueil de nouvelles fort bien écrits, très intéressants et rafraîchissants. Il y a beaucoup d'humanité dans la plume de Neil Smith. J'avoue un faible pour la nouvelle Protéine vert fluo. J'ai toujours eu un faible pour les histoires d'amour homosexuel, surtout quand il s'agit de la découverte de son orientation. Je pense que ces histoires, comme dans certains romans de Michel Tremblay que je lisais adolescente, me font percevoir comme jamais l'universalité de l'amour et du désir et ça me touche beaucoup. Dans ce cas-ci les personnages sont très touchants et l'émoi tangible. La nouvelle sur l'après-fusillade m'a aussi beaucoup touchée.

Comme je le disais plus haut, la dernière nouvelle est plus décalée et sans être mauvaise elle laisse une drôle d'impression en fin de lecture tant elle me semble éloignée du registre des autres récits.

La Recrue du mois est une initiative collective qui met en vedette le premier ouvrage d’un auteur québécois. Pour lire les autres commentaires sur ce livre vous pouvez donc vous rendre sur le site de La recrue du mois

Par Catherine


Parfois, la littérature nous offre des coïncidences amusantes. Alors que je lis régulièrement les billets de Catherine, la recrue du mois, pour suivre les nouveautés québécoises, il se trouve que j'avais raté celui sur Big bang de Neil Smith. Or, j'ai eu droit à une séance de rattrapage.
Fin septembre, je me suis rendue au Festival America à Vincennes, où les projecteurs sont focalisés sur la littérature américaine au sens large, du Canada, Québec jusqu'à l'Argentine et le Chili sans oublier les îles Caraîbes. Bref les Amériques au sens large.

Pour cette édition 2008, entre le salon des éditeurs, les débarts et films tirés de romans "américains", j'ai opté pour les lectures dont je suis de plus en plus friande. Le premier auteur à se présenter n'était autre que Neil Smith et son recueil de nouvelles, Big bang. Ainsi j'ai découvert son style, sa voix, son humour, son entrain en l'écoutant, avec un plaisir
grandissant, lire (en anglais) sa nouvelle Protéine vert fluo.

Un peu plus tard, j'ai pu discuter avec l'auteur, homme fort sympathique, comme la plupart des personnages de ses nouvelles.

Je ne vais pas vous les présenter car Catherine l'a déjà très bien fait. je vais juste ajouter que je n'ai absolument rien compris à la dernière nouvelle, Extrémités. Selon moi, elle est tombée là comme un cheveu sur la soupe. Dommage car indépendamment de sa qualité, qui m'a échappée, elle gâche un peu le plaisir que l'on a du reste du recueil.

Sinon, j'ai bien aimé (à mort) la première nouvelle : *Incubateurs*, vraiment poignante. Protéine vert fluo accroche bien l'attention. Max et Roubi dou sont à suivre, avec tendresse, dans leurs découvertes des mois amoureux.

Franchement, j'ai plongé dans ces nouvelles les yeux fermés. Pas facile me direz-vous !! Mais si, mais si quand on a entendu l'histoire racontée par son auteur, ça aide.

Big bang a été un bon moment de lecture. J'en reprendrais bien encore, Mr Smith.

Dédale
le 19 octobre 2008

Extrait - Protéine vers fluo :

Elle se penche, m'embrasse le front.

- Tu sors toujours avec René-Louis, ce soir? demande-t-elle.

Je hausse les épaules. La conférence du type qui fait luire des saletés de rongeurs dans le noir est à sept heures. Le billet vert fluo est punaisé à mon tableau.

Après le départ de ma mère, je me sers un bol de Cheerios. Mais je n'ai pas d'appétit. Je laisse donc les petites bouées de sauvetage flotter dans le lait.

Je parcours l'appartement. Me laisse dériver d'une pièce à l'autre. J'aboutis dans la chambre de ma mère, où je feuillette Roméo et Juliette, que j'ai aperçu dans sa bibliothèque. C'est l'exemplaire qu'avait mon père à l'école. Les pages sont cornées, défraîchies. Il a crayonné ses commentaires dans les marges.

Dans le deuxième acte, il a écrit: «L'amour n'est pas un jeu de mots. Ce sont des mots qui jouent, des mots qui, à la récréation, s'accrochent aux barres de suspension.»

Non mais qu'est-ce que c'est que cette merde?

Soudain, je suis furieux contre mon père. Pourquoi est-il aussi cryptique? Pourquoi n'est-il pas là pour me remettre dans le droit chemin? Pourquoi est-il raide mort?

La pierre de curling à la main, j'entre dans le couloir qui fait penser à un bowling. Je la lance si fort que, en butant contre le mur du fond, elle écaille la peinture et creuse un trou monstrueux.

Je m'assois par terre.

J'enfonce mes doigts dans le coin de mes yeux pour m'empêcher de brailler comme un bébé.

Sans succès.

Big-Bang
Les Allusifs - 181 pages