Louis écrit des lettres à sa famille ou écrit pour ses camarades de tranchée ne sachant pas écrire, pour passer le temps, pour tenter d'oublier la guerre, cet horrible carnage qui l'entoure, la mort qui rode partout. Il se raccroche ainsi aux mots pour ne pas perdre la raison. Il parle de son quotidien. Il rêve à ses amours anciennes qui l'ont oublié ou bien à cette veuve qui veut bien être sa marraine. Peut être se reverront-ils à la fin de la guerre ?

Lorette est une jeune fille pimpante, apprentie dactylo sur Paris. Elle écrit les lettres d'une vieille dame pour son amant vivant en Orient. Lorette écrit pour raconter sa vie à Saint-Germain des près, les boites de jazz, à son amoureux anglais, Jack étudiant en histoire et musicien à ses heures. Elle écrit aussi à son père toujours absent et qui ne répond jamais. Elle raconte l'absence de sa mère qu'elle n'a pas connu et les affres de sa lutte contre la tuberculose.

Destins séparés que rien ne semble rapprocher et qui vers la fin se rejoignent en un point commun. Autant j'ai adhéré aux poignantes lettres, à la vie de Louis le poilu, autant je suis restée en marge de celles de Lorette. Peut être est-ce dû au contraste de leurs vies, l'opposition entre l'horreur des tranchées et la frivolité de Lorette à Saint-Germain des Près. Même s'ils ont tous les deux en commun une soif d'amour, une souffrance de la solitude du fait de la guerre ou de la maladie, cette peur viscérale d'être oublié des leurs, il m'a manqué un petit quelque chose pour que cette histoire en binôme assure pleinement son effet.

Dédale

Extrait :

La sciure de mes souvenirs me pique les yeux. Comme je voudrais vous atteindre monsieur Cendre et vous donner la main ! Ai-je appris à lire pour mourir ? Les enfants vont-ils à l'école pour rougir l'eau des ruisseaux quand ils tombent ? Je ne peux pas me faire à l'idée. Un être qui sait écrire ne devrait jamais être happé. Celui qui fut un enfant, qui sait inventer les voyelles du monde avant que ce dernier ne les lui souffle de devrait jamais être la cible d'un soldat. Le scandale. L'affreux scandale. Celui qui reformule doit garder sa forme sans quoi l'univers s'écroule. Or le monde tient dans une flaque. Tous s'y est dissous. Comme les larmes dans la gorge et les mots qui ne viennent pas tant on a peur.
Dans ce moment de silence, j'essaie de vous dire les choses, à la lisière du printemps, parce que je veux croire à la vie.
Louis Lecoeur.


Éditions Actes Sud - 168 pages