Zatopek! Un des plus grands coureurs de fonds de l'histoire, lui que rien ne disposait principalement à ce genre de carrière. Zatopek a couru toute sa vie, malgré son flagrant manque de techniques et la situation politique européenne et tchécoslovaque.

Ce récit - biographie romancée - comme Echenoz en avait fait une sur Ravel, est à la fois absorbant et intéressant. Je n'aime pas trop ce terme "biographie romancée" qui, à mes oreilles, évoque une biographie dans laquelle on a inséré quelques grammes de drame, de sang ou de sexe supplémentaires pour rendre l'histoire plus captivante. Rien de cela chez Echenoz. Peut-être s'agit-il en fait d'une biographie impressionniste puisqu'il s'agit moins d'un récit factuel de sa vie que d'un parcours psychologique et émotif de celle-ci.

J'ai beaucoup aimé ce livre, parce que Zapotek est un personnage fascinant mais aussi parce qu'Echenoz lui lance un regard plein de tendresse et d'admiration. Par moment j'aurais voulu un peu plus d'informations précises - ou purement biographiques - par exemple en ce qui concerne les liens de Zapotek et de son épouse avec le régime communiste (une scène mémorable entre l'épouse de Zapotek et un journaliste occidental soulève des questions à ce propos).

Mais globalement, j'ai vraiment apprécié cette lecture et le talent manifeste d'Echenoz pour nous faire pénétrer dans la vie d'un autre en y dépeignant l'atmosphère plutôt que la couleur des murs.

Du même auteur : 14, Des éclairs, Je m'en vais, Caprice de la reine

Par Catherine

Extrait :

La première course à laquelle participe Émile est donc un cross-country de neuf kilomètres mis au point par la Wehrmacht à Brno et qui va opposer une sélection allemande athlétique, élancée, arrogante, impeccablement équipée, tous pareils dans le genre Ubermensch, à une bande de Tchèques faméliques et dépenaillés, jeunes paysans hagards en caleçon long ou vagues footballeurs amateurs mal rasés. Émile ne participe pas de gaieté de cœur à cette épreuve mais c'est un garçon consciencieux, il s'y met, il donne ce qu'il peut. Comme il termine deuxième sans s'en apercevoir et au vif dépit des aryens, un entraîneur au club social s'intéresse à lui. Tu cours bizarrement, mais tu ne cours pas si mal, lui dit-il. Enfin vraiment tu cours très bizarrement, insiste l'entraîneur en secouant une tête incrédule, mais bon, tu cours pas mal. De ces deux propositions, Émile n'écoute et n'entend distraitement que la seconde. 


Éditions de minuit - 144 pages