Le récit se déroule entre Lisbonne et Paris à la fin des années 50. Mariana Toledo a pris conscience dès l'adolescence que l'être humain était un animal solitaire qui ne pouvait compter sur personne. Mais refusant ce constat accablant, elle veut croire malgré tout à l'amour et mise tous ses espoirs dans sa relation avec Antonio. Elle est sûre que la naissance de leur fils, Fernando, conjurera le sort. Malheureusement, rien ne se déroulera comme elle l'avait rêvé.

Dans ce monologue rétrospectif, Mariana apparaît comme une femme fragile, tiraillée entre la folie et le désespoir. L'écriture est à la fois sobre et poétique; avec un souci de la concision, Maria Judite de Carvalho déroule le parcours de cette femme qui va, au fil des ans, se couper du monde pour vivre dans ses fantasmes. La romancière en profite au passage pour égratigner la bonne bourgeoisie portugaise et la lâcheté des hommes.
Paradoxalement, il n'y a dans ce récit aucune nostalgie, aucune ode à un passé révolu. Bien au contraire, tout en étant un récit très sombre, Tous ces gens, Mariana... est également très lucide sur notre rapport aux autres et les illusions que nous auto-alimentons. Certes, ce n'est pas une lecture pour les moments de cafards, mais j'ai réellement apprécié l'écriture de cette romancière.

Laurence

Extrait :

- Toi aussi, tu as compris cela, dit-il tendrement. Toi aussi. Il y a des gens qui vivent soixante-dix, quatre-vingts ans et plus, sans jamais s'en apercevoir. Et toi, à quinze ans... Nous sommes tous seuls, Mariana. Seuls avec une foule de gens autour de nous. Tous ces gens, Mariana ! Et personne ne fera rien pour nous. Personne ne peut rien faire. Et si on le pouvait, personne ne voudrait. C'est sans espoir.
- Mais toi, père...
- Moi... les gens qui remplissent ton monde son différents de ceux du mien... Au fond, il se pourrait bien que certains soient les mêmes, mais voilà, s'il leur était donné de se rencontrer, ils ne se reconnaîtraient pas, même physiquement... Comment nous viendrions-nous en aides les uns aux autres ? Personne ne le peut, mon enfant, personne...
Personne n'a pu.


Éditions Folio - 92 pages