Les deux épigraphes du roman dressent bien la table. D'une part, une citation de Katherine Pancol met en appétit: «La vie est compliquée, mais je me ferai compliquée pour la comprendre.» D'autre part, une définition de «toge» tiré de Wikipédia (!) nous apprend qu'historiquement, «les femmes ne portent pas la toge, sauf si elles ont été convaincues d'adultère ou si ce sont des prostituées.» Deux épigraphes, donc, qui définissent d'emblée un roman d'humour dans la pure tradition chicklit où, ma foi, la vie est compliquée... à la hauteur de ce qu'on se la complique entre quelques bouteilles de Veuve Cliquot et quelques moments de baise.

Donc, Caroline travaille comme une dingue sur un procès qui la met un peu mal à l'aise: son bureau représente la banque poursuivie par un petit entrepreneur ruiné pour une histoire de prêt. Caroline est convaincue que l'entrepreneur a raison... et convaincue aussi que sa défense est parfaite et que la banque gagnera. Faut ajouter à cela du harcèlement sexuel direct par un des associés du bureau et une responsable des stagiaires aussi sympathique qu'un pitbull mal traité, ça fait peu de motivation pour beaucoup d'heures de travail. Mais c'est le métier, du moins c'est ce que tout le monde dit.

Heureusement il y a les copines et il y a l'amour de Daniel. Mais Daniel c'est pas toujours simple. Être en couple avec quelqu'un qui est bisexuel avoué, Caroline a du mal à comprendre pourquoi, mais elle ne s'y fait pas. Comme si quelque chose sonnait toujours faux.

Voilà la trame de départ de ce premier roman de Nathaly Dufour. Je dirai d'emblée que si j'ai choisi de lire de la chicklit, ce n'est pas pour revenir sur les questions de fond que soulèvent l'existence et la popularité d'une telle littérature. Par contre, j'ai encore deux irritants à mettre au clair. Numéro 1: pourquoi ce besoin de rentrer dans le descriptif du détail quotidien ? Exemple: cette scène où Caroline va bruncher avec son amie Eugénie et où le dialogue nous mène jusqu'au choix de l'omelette asperge. Je ne comprends pas l'intérêt de ça! Numéro 2 - plus important: pourquoi utiliser des expressions courantes entre guillemets ou en italique? Qu'on veuille faire de la littérature avec des expressions québécoises, j'en suis... mais pourquoi «s'en excuser». Au lieu d'écrire: «Moi, je suis plutôt du genre 'montée sur un frame de chat'», j'aurais écrit: «Moi, je suis montée sur un frame de chat.» Faudrait se brancher et cesser de s'excuser d'utiliser un niveau de langage, ma foi fort à propos.

Une fois cela dit, avouons qu'il est plutôt original de situer l'action d'une oeuvre de chicklit dans le milieu du droit. Ça donne un aspect unique à la trame de ce récit et des histoires de bureaux par moment savoureuses. Le tout est rafraîchissant. Le livre se défend bien dans le genre... jusqu'au deux tiers. Et, en fait, c'est franchement dommage parce que quand Caroline quitte Québec pour se rendre une semaine à La Malbaie pour le procès qu'elle prépare, tout se met en place pour un dénouement exaltant. Et pourtant, ce dernier est tellement expédié (le dénouement amoureux ainsi que le dénouement du procès) que j'en suis sortie un peu frustrée. J'aurais souhaité qu'on s'attarde davantage sur la situation délicate qui surprend Caroline à ce moment qui sera, sans qu'elle le sache d'avance, charnière pour sa vie.

Ce livre a été lu dans le cadre de la catégorie «Repêchage» du site La Recrue du mois.

Par Catherine

Extrait :

Pour arbitrer le stage, il y a également le ou la responsable des stagiaires. Avocat de quelques années de pratique, le personnage se souvient encore de son propre stage. C'est bien là le problème. Il peut être le meilleur ami du stagiaire, à la fois confident et épaule compatissante au besoin. Il peut aussi être son pire cauchemar. Chanceuse comme je suis, Me Latulippe tombe dans la deuxième catégorie. Je la fuis comme la peste. Dès le premier regard, elle m'avait dévisagée des pieds à la tête, m'avait jaugée, puis collé l'étiquette «gougoune-sans-cervelle». Je n'avais même pas encore ouvert la bouche. Faut la voir circuler dans le bureau du pas pesant et pressé de celle qui ne se peut plus d'elle-même. Je fais gaffe, quand je tourne un coin, car elle m'a déjà rentrée dedans et m'avait fait valser jusque dans le mur. C'est que madame est très sportive, porte des blazers à épaules de footballeur complètement démodés (même avec mon sens médiocre de ce qui est in et out, je sais cela) et ne signale pas quand elle envisage de tourner. Moi, je suis plutôt du genre «montée sur un frame de chat». Je ne suis pas de taille. Donc, comme je le disais, je l'évite autant que je peux. Et elle le sait très bien.


Éditions Stanké - 168 pages