Jorge Amado, auteur brésilien, décrit dans ce court roman la vie de ses ouvriers agricoles écrasés par le travail, par la cupidité de ce propriétaire terrien prêt à écraser un de ses employés lorsqu’il détruit la moindre cabosse de cacao. On suit les aventures de Sergipano et de ses compères d’infortune, affamés, comme Colodino, Joao Grilho ou Honorio l’homme de main qui réussit à manipuler le propriétaire car il a des informations compromettantes le concernant. On rencontre aussi des femmes qui font « la vie », c'est-à-dire qu’elles vendent leurs corps aux hommes qui trouvent à leurs cotés le peu de distraction de leur vie de labeur. Et l’existence de Magnolia, de Mariette ou d’autres filles très jeunes n’a rien à envier à celles de leurs compagnons d’infortune.

Ce court roman, le second de l’auteur qui veut plus en faire un documentaire sur la vie de ces ouvriers qu’une fiction, est également l’occasion de décrire les mœurs immorales et déviantes des propriétaires. Outre Mané-la-Peste, le propriétaire, on découvre la figure de Joao Vermelho, le tenancier des cordons de la bourse qui considère l’argent comme si c’était le sien. L’être le plus exécrable de cette famille est sans conteste le fils, homme de bonne famille qui poursuit des études en ville et  viole les jeunes filles du village lorsqu’il revient auprès de ses parents. Et puis il y a Maria, la fille du propriétaire qui fait tout son possible pour que Sergipano quitte son statut d’ouvrier pour qu’il vienne vivre auprès des riches. Mais Sergipano, écœuré par les inégalités qu’il observe, et tenus au courant des nouvelles théories ouvrières concernant les grèves et le communisme, refuse cette vie confortable pour défendre ceux qui souffrent.

Jorge Amado signe là un roman intense, qui plonge le lecteur au sein du Brésil des années 1930, au milieu de la moiteur des cacaoyères et de la violence sociale de ce pays. Un roman qui peut avoir des résonances particulières en cette période…

Par Yohan

Extrait :

 Jaque ! Jaque ! Les gamins grimpaient aux arbres comme des singes. Le fruit tombait  - boum – et eux se jetaient dessus. En peu de temps, il ne restait plus que l’écorce et les déchets, que les porcs dévoraient gloutonnement.
Les pieds écartés semblaient des pieds d’adultes, le ventre était énorme, gonflé par les jaques et la terre qu’ils mangeaient. Le visage jaune, d’une pâleur terreuse, accusait l’héritage de maladies terribles. Pauvres enfants blafards, qui couraient au milieu de l’or des cacaoyers, en haillons, les yeux éteints, à demi idiots. La plupart d’entre eux travaillaient à la mise en tas dès l’age de cinq ans. Ils restaient ainsi, petits et rachitiques, jusqu’à dix ou douze ans. Puis soudain apparaissaient des hommes trapus et bronzés. Ils cessaient de manger de la terre, mais continuaient à manger des jaques.


Éditions Stock  - 156 pages