Je dois avouer que je me considère comme une grande novice en matière de poésie. Longtemps je n'en ai lu. Je tente peu à peu de rattraper mon retard dans ce genre littéraire. Face à un nouveau texte, j'ai pour souci premier de trouver le bon rythme de mots, leur musicalité. Les images qu'ils transportent ou font naître, aident évidemment à être dans l'ambiance désirée par l'auteur.

Or, avec les notes matinales de cet entonnoir des saisons, je suis passée totalement à côté de la démarche de l'auteur. Qu'il me pardonne pour cela ! Je suis maintenant convaincue que tout le monde ne peut pas appréhender, comprendre tous les textes, et que pour certains, il faut un minimum de maturité en poétique. Ici, elle m'a vraiment manqué.

D'une idée de jardin, de saisons, j'ai été confrontée à des cimetières, des tombes, des corps suppliciés, des visions ou rêves dignes des plus belles fantasmagories de Dali.

Au milieu de pendus, de flots de sang imaginaires, il y a pourtant l'amour - celui d'un homme pour les femmes, pour ses parents - son passage de l'enfance à l'état d'adulte, les phases de révolte contre soi-même.

Qui veut s'accomplir doit se risquer à osciller : du bonheur vers le malheur, de la sobriété vers l'ivresse...

Et puis il faut affronter les tourments de la vie en société, la vie en général et le flot du monde extérieur. Tout cela dans une ambiance angoissante et de tourments, de phases de sommeils agités.

Rien de plus tentant alors que de s'abandonner à nouveau au sommeil, à la mort. Il faut être fort pour résister, se sentir capable du pire : vivre.

Tout désespéré que l'on puisse être, l'envie d'aider les autres prend parfois le dessus. Sans doute est-ce lorsque l'on a soi-même besoin d'aide que nous vient l'envie d'aider les autres.

Peut être que je me trompe, mais ceci n'est que mon ressenti face à des textes pour le moins abstraits. Je n'ai pas su aller au-delà du sens premier des mots, des images. Je ne devais pas être prête à cette violence latente, à cette tristesse tourmentée. Malgré mes efforts, je n'ai pu trouver la clé pour entrer dans le monde chaotique et l'imaginaire du poète. C'est comme avoir envie d'entrer dans une maison qui reste désespérément close, même si on devine les richesses cachées à l'intérieur.

Je garde ce recueil sous surveillance parce que je ne désespère pas. Un jour, j'aurai la maturité poétique suffisante pour en capter la beauté intrinsèque.

Dédale

Extrait :

Je n'ai pas attendu la maladie pour tomber malade, je me suis enfermé dans ma chambre, allongé sur mon lit, puis j'ai téléphoné à ma mère. A peinte a-t-elle décroché, que ma fièvre s'est mise à monter... Lorsque j'ai repris conscience, j'ai découvert une chaise au pied de mon lit, ma mère assise sur cette chaise. Depuis, lorsque je fais une poussée, ma mère s'assoit et ma fière aussitôt retombe. Je suis tombé malade pour qu'elle se repose...

Ton père n'est qu'une ombre, me disait-on souvent, sans explication, et je ne voyais pas alors ce que cela pouvait signifier. A cette époque, il était pour moi un arbre. Je passais mes journées dans ses branches, à regarder en bas, la vie qui s'écoule. Puis un beau jour, tel un fruit mûr, je suis tombé. Le courant aussitôt m'a emporté.... Lorsque j'ai repris conscience, j'étais à des kilomètres de mon enfance, dans un paysage sans arbre, sans ombre, sans père. Alors seulement j'ai compris - que pour survivre dans ce désert il me fallait moi-même devenir une ombre : l'ombre d'une ombre...


Éditions Gallimard, collection L'Arpenteur - 91 pages