L'intrigue de ce roman est connue de tous ceux qui affectionnent l'œuvre de Paul Auster, mais pour les autres, voici en quelques mots de quoi il s'agit : un homme, se réveille dans une chambre sans savoir où il est ni qui il est. Le narrateur le surnomme Mr. Blank, comme his mind is blank (il ne se souvient de rien) ou comme page blanche. Sur le bureau de cette chambre, Mr. Blank trouve un manuscrit, il commence à le lire quand le téléphone sonne. Je pourrai m'arrêter ici ou continuer, cela ne changerait pas grand chose tant il ne sert finalement à rien de résumer ce huis clos. À travers le regard omniscient du narrateur, on observe cet homme qui a perdu tous ses repères, on assiste aux entrées et aux sorties de personnages qui disent le connaître et on comprend très vite où Paul Auster veut nous emmener.

Dans le scriptorium est très fidèle à l'esprit Austérien : des histoires gigognes, des mises en abymes à répétition, une construction labyrinthique. À moins que vous n'ayez jamais entendu parler de ce roman (et dans ce cas, allez directement au paragraphe suivant) je ne dévoilerai aucun mystère en disant que Mr. Blank est un écrivain, et que les personnages qui le visitent sont ses propres créations; ou plus exactement les créations de Auster puisqu'il s'agit de personnages de ses précédents romans. Est-ce à dire que Mr. Blank est Paul Auster ? Ce serait trop simple, et Paul Auster nous réserve un dernier pied de nez pour clore son récit. L'histoire du type qui écrit l'histoire d'un écrivain qui raconte etc. Paul Auster nous l'avait déjà fait avec La nuit de l'Oracle, roman dont j'avais beaucoup aimé la maîtrise de l'intrigue et de l'écriture.

Monsieur Auster se répèterait-il donc ? Oui, diront certains qui ont visiblement été déçus par ce Scriptorium qu'ils ont jugé « facile » voire « ennuyeux » ou « inabouti ». Si je peux très bien comprendre ces critiques, il se trouve que pour ma part, j'ai été fascinée par l'ambiance qui se dégageait de ce récit, même si beaucoup de pistes lancées par l'auteur sont finalement abandonnées en cours de route. En fait, je me rends compte que j'ai lu ce texte comme une longue nouvelle et non comme un roman. Peut-être est-ce pour cela que je suis plus clémente vis à vis de la profondeur et de la richesse de l'ensemble. Dans le scriptorium n'est certes pas un chef d'œuvre, mais reste une métaphore tout à fait prenante et plaisante de l'acte d'écriture.

Voir aussi les très nombreux avis d'autres blogueurs. Il y a ceux qui n'ont pas aimé ( Bernard, Acide Citrique, Mbu ou Thom ) et les autres : Cathe, Amanda, Papillon, Argentel, Essel, Laiezza (toutes mes excuses à ceux que j'oublie).

Du même auteur : La musique du hasard, Brooklyn Follies, La nuit de l'Oracle

Laurence

Extrait :

Il y a une fenêtre dans la chambre, mais le store est baissé et, pour autant qu'il s'en souvienne, il n'a pas encore regardé dehors. Même chose en ce qui concerne la porte et sa poignée de porcelaine blanche. Est-il enfermé, ou est-il libre d'aller et venir à sa guise ? Il doit encore étudier cette question - car, ainsi qu'on l'a dit ci-dessus, au premier paragraphe, il a l'esprit ailleurs, à la dérive dans un passé où il erre parmi les êtres fantomatiques qui lui encombrent la tête, et il s'efforce de répondre à la question qui l'obsède.
Les photographies ne mentent pas, mais elle ne racontent pas non plus toute l'histoire. Elles ne font que rendre compte du temps qui passe, des signes extérieurs. L'âge du vieil homme, par exemple, est difficile à évaluer d'après les images en noir et blanc un peu floues. La seule chose qu'on peut établie avec quelque certitude, c'est qu'il n'est pas jeune, mais le mot vieux est un terme élastique, utilisable pour décrire une personne de n'importe quel âge entre soixante et cent ans. Nous allons par conséquent laisser tomber l'expression vieil homme et désigner dorénavant le personnage dans la chambre du nom de Mr. Blank. Jusqu'à nouvel ordre, un prénom ne sera pas nécessaire.


Éditions Babel -  145 pages