Et c'est précisément le cas de Bink. Pour lui, Xanth n'a rien du pays enchanteur de la brochure publicitaire. Pour lui, c'est un cauchemar car il ne peut compter que sur ses propres capacités. Il n'a pas le moindre petit pouvoir, et quoi qu'en dise le Bon Magicien Humfrey, si il ne fait pas la preuve de son pouvoir avant son prochain anniversaire, il sera contraint à l'exil.
Ceci dit, Bink n'entend pas se laisser faire sans tenter tout ce qu'il peut pour mettre à jour son pouvoir avant la date fatidique. C'est là que l'aventure commence. Et les ennuis avec elle.

« Ainsi commence l'une des sagas de Fantasy les plus célèbres du monde, pleine de péripéties, de jeux de mots et de créatures caractérielles » voilà les mots employé par l'éditeur en quatrième de couv'. Et je dois dire que je n'ai pas trouvé cela usurpé.
Effectivement, les péripéties sont nombreuses, le bestiaire copieux et les jeux de mots tombent à foison.
En suivant Bink, nous découvrons Xanth qui se trouve être en fait le héros de cette saga. Cette terre magique peuplée de créatures, où la flore comme la faune déploient des trésors d'ingéniosité pour se nourrir, se défendre, attirer ses proies ou au contraire éloigner les gêneurs. Tout y passe.
Et question humour, le lecteur est copieusement servi. On pourrait rapprocher le style d'un Pratchett mais ça serait faire une comparaison malvenue. Les deux ont leur propre style mais là où Pratchett est tout en finesse, en clin d'oeil et en références, Anthony lui joue sur les calembours, les sonorités et les néologismes. Ceci dit, les deux sont efficaces et je ne compte pas le nombre de fois où j'ai franchement rit à une phrase qui m'a pris au dépourvu... quitte à faire hausser un sourcil agacé à mes voisins de transports en commun.

Un peu fouillis au départ, je me suis pris à l'histoire. J'ai aimé le personnage de Bink et celui du sorcier qu'il rencontre par la suite. Même si Bink est parfois un peu agaçant. Le monde est très plaisant à découvrir et il m'a semblé voir dans ce roman (et sans doute dans la saga entière) la source d'inspiration des Mondes de Troy, d'Arleston. Un pays où chacun possède un pouvoir, si petit soit-il, pétri de magie et d'humour. Le parallèle est sans doute facile, mais n'est en rien déplaisant ou choquant.
En tout cas, je n'ai certainement pas boudé mon plaisir à la lecture de ce premier volume, surtout lorsque j'ai appris que l'auteur continuait de publier des romans dans ce cycle (depuis plus de trente ans... chapeau). Pour moi c'est une découverte fort agréable et je remettrai très volontiers les pieds à Xanth, histoire d'éclairer un peu les jours moroses.

Cœur de chene

Extrait :

L'audition eut lieu le lendemain, dans le théâtre en plein air que délimitaient, devant, une colonnade de catapalmiers royaux et, au fond, quatre gigantesques miel-feuilles. Le banc du juge était formé par les racines tarabiscotées d'un énorme cyprès detoimondieu. Bink avait toujours aimé cet endroit, mais en cet instant, c'était devenu une salle de torture. Le lieu de son jugement.
Le vieux roi présidait la séance : ça faisait partie de ses prérogatives. Il portait son manteau de cour brodé de joyaux, sa belle couronne d'or, et tenait à la main le sceptre sculpté, symbole de son autorité. Une sonnerie de trompes retentit et tous les citoyens présents s'inclinèrent. Bink ne put s'empêcher d'éprouver un frisson d'angoisse au spectacle de la pompe royale.
Le roi avait une crinière et une longue barbe blanches, impressionnantes, mais ses yeux avaient tendance à errer sans but. Un serviteur lui enfonçait périodiquement son coude dans les côtes pour l'empêcher de piquer du nez et le ramener aux convenances.
Le roi commença par une démonstration de son pouvoir et provoqua un orage. C'est-à-dire qu'il éleva ses mains tremblantes et marmonna une invocation. Un silence impressionnant lui répondit, puis au moment où tous étaient persuadés qu'il avait fait un bide, un souffle de vent fantomatique effleura la clairière, faisant voltiger une poignée de feuilles.
Tout le monde se garda bien de faire la moindre remarque, mais il était clair que ce n'était peut-être qu'une coïncidence. En tout cas, c'était loin de ressembler à une tempête. Quelques dames ouvrirent néanmoins leur parapluie, comme il se devait, et le maître de cérémonie s'empressa de passer aux affaires.


Éditions Milady - 439 pages