La Princesse de Clèves est un roman historique (et galant) du XVIIè siècle, écrit anonymement par Madame de Lafayette et publié en 1678, qui raconte une histoire d’amour à la Cour. L’œuvre est essentiellement basée sur des personnages et des faits historiques à quelques détails près.

Si j’en crois Malraux, « L'œuvre surgit dans son temps et de son temps, mais elle devient œuvre d'art par ce qui lui échappe. »
En ce sens La Princesse de Clèves est une véritable œuvre d’art car elle est d’actualité : on se sent proche des personnages, on vibre, on souffre et on espère avec eux. Madame de Lafayette a parfaitement réussi à rendre vivant les personnages de son livre, par la force de ses descriptions des sentiments et par la pertinence de la psychologie qu’elle développe : elle sait nous faire ressentir leurs peurs, leurs doutes, leur hésitations et surtout les faire partager avec le lecteur.

Il y a finalement peu à dire : le texte est magnifique, ciselé. Les mots s’enchaînent avec une fluidité et une douceur stupéfiante. L’histoire racontée par Madame de Lafayette est non seulement très belle comme œuvre romantique, mais elle est surtout très belle en soi.

J’ai lu beaucoup de livres qui m’ont plu et passionné, mais celui-ci est sans conteste un incontournable. Vous ne le regretterez pas et vous serez surpris de voir à quel point il semble d’actualité.

Tubuai

Extraits :

1)
L'on ne peut exprimer la douleur qu'elle sentit, de connaître, par ce que lui venait de dire sa mère, l'intérêt qu'elle prenait à monsieur de Nemours : elle n'avait encore osé se l'avouer à elle-même. Elle vit alors que les sentiments qu'elle avait pour lui étaient ceux que monsieur de Clèves lui avait tant demandés ; elle trouva combien il était honteux de les avoir pour un autre que pour un mari qui les méritait. Elle se sentit blessée et embarrassée de la crainte que monsieur de Nemours ne la voulût faire servir de prétexte à madame la dauphine, et cette pensée la détermina à conter à madame de Chartres ce qu'elle ne lui avait point encore dit.


2)
L'on ne peut exprimer ce que sentirent monsieur de Nemours et madame de Clèves, de se trouver seuls et en état de se parler pour la première fois. Ils demeurèrent quelque temps sans rien dire ; enfin, monsieur de Nemours rompant le silence :

- Pardonnerez-vous à monsieur de Chartres, Madame, lui dit-il, de m'avoir donné l'occasion de vous voir, et de vous entretenir, que vous m'avez toujours si cruellement ôtée ?

- Je ne lui dois pas pardonner, répondit-elle, d'avoir oublié l'état où je suis, et à quoi il expose ma réputation.

En prononçant ces paroles, elle voulut s'en aller ; et monsieur de Nemours, la retenant :

- Ne craignez rien, Madame, répliqua-t-il, personne ne sait que je suis ici, et aucun hasard n'est à craindre. Écoutez-moi, Madame, écoutez-moi ; si ce n'est par bonté, que ce soit du moins pour l'amour de vous-même, et pour vous délivrer des extravagances où m'emporterait infailliblement une passion dont je ne suis plus le maître.

Madame de Clèves céda pour la première fois au penchant qu'elle avait pour monsieur de Nemours, et le regardant avec des yeux pleins de douceur et de charmes.


Éditions Folio - 275 pages