Dans la Barcelone des années 20, David, un jeune écrivain en mal d'amour signe un pacte avec un mystérieux éditeur qui lui promet la gloire... David est orphelin. Il travaille comme grouillot pour le journal La Voz de la Industria. Un soir de coup de feu, on cherche à remplacer au pied levé un rédacteur manquant. C'est l'occasion rêvée pour David de faire ses preuves. Le pari est gagné. Les lecteurs redemandent de ses histoires dominicales. Ainsi, David va faire ses gammes en écriture, gagner ses galons sous l'œil protecteur du directeur de la rédaction et de Don Pedro Vidal, la star de la publication. Riche, écrivain en dilettante, il prend David sous son aile et ce dernier peut enfin vivre de son rêve : écrire.

Tout heureux de son succès, David accepte la proposition de deux éditeurs peu scrupuleux : produire tel un galérien plusieurs ouvrages sous un pseudonyme. Mais ne pouvant tenir le rythme, il jette l'éponge et sa vie sombre à nouveau. Jusqu'au jour où il rencontre Andréas Corelli, un mystérieux éditeur français. Ce dernier lui propose d'écrire un livre très spécial pour une somme astronomique. La fortune et même plus encore sont peut être au bout de sa plume s'il arrive à écrire une histoire pour laquelle les hommes seraient capables de vivre et de mourir, de tuer et d’être tués, d’offrir leur âme. David aurait-il vendu son âme au Diable ?
Intrigué, le lecteur se dit qu'il va s'engager dans une passionnante enquête. Sauf que le héros n'assure pas vraiment son rôle.

David est tant obnubilé par ses problèmes qu'il semble égoïste. On a l'impression qu'il ne se préoccupe de son entourage que quand ces derniers le forcent à sortir de ses noires réflexions. J'ai trouvé qu'il s'apitoyait un peu trop sur son sort. Peut être aurait-il fallu un personnage un peu plus combatif. Isabella, une jeune fille qu'il prend sous son aile pour lui apprendre les ficelles du métier d'écrivain, m'est apparue beaucoup plus consistante, avec son tempérament bien trempé.

Ensuite, j'ai failli laisser tomber la lecture tant l'histoire d'amour entre David et Christina est impossible à suivre. Si on veut avoir la dent dure on pourrait même la qualifier de creuse. Elle n'apporte pas grand chose au récit si ce n'est compliquer un peu plus les affres du héros. Déjà un peu échaudée par quelques longueurs, j'ai peut être - étant en phase lecture rapide - sauté les quelques lignes expliquant son attitude. J'ai eu comme un blanc tout d'un coup. L'abandon ne s'est joué qu'à un fil ténu.... de curiosité.

J'ai voulu savoir jusqu'où pouvait aller l'auteur dans les péripéties qu'il faisait vivre à son personnage. Après la perte de sa belle, ce dernier semble pris dans un tourbillon chaotique. On se croirait dans les meilleures scènes d'un film de James Bond. Là encore, la lecture rapide a du bon. Et j'ai arrêté de compter le nombre de fois où David arrive sur des lieux où la porte est "étonnamment" restée ouverte.

Bon, le héros a tout le même droit à des circonstances atténuantes vu que l'auteur le place comme une pauvre souris dans un labyrinthe inextricable avec un chat pervers à ses trousses. Comme lui on ne sait plus qui est qui tant les personnages changent de camps. Entre le Patron, Andréas Corelli, si mystérieux dont on ne sait s'il est un ange de Dieu ou du Diable, la police, un avocat qui joue sur tous les tableaux. Bref, on ne sait plus à qui se fier. Si l'auteur a voulu brouiller les pistes, il a bien fait mais le risque est de perdre pas mal de lecteurs.

Si l'enquête de David sur le chat qui joue avec lui s'essouffle, si je n'ai pas retrouvé sur cette partie de l'histoire le souffle de L'ombre du vent, l'auteur est sauvé par le reste. Il n'a pas perdu son sens de la description des ambiances de la Barcelone. Il donne envie d'aller voir sur place. J'ai adoré tous les passages dans la librairie de Sempere Père et Fils. C'est tout à fait un endroit où l'on aimerait rester des heures, des jours à discuter avec le maître des lieux. Je serais également restée plus longtemps dans ce fameux cimetière des livres oubliés. Mais bon, c'est un peu léger pour un roman de plus de 500 pages.

Le jeu de l'ange me laisse donc un peu perplexe. Je suis déçue par l'enquête policière mais ravie par la Barcelone et les personnages qui soutiennent le personnage principal. Une histoire à la Dickens teintée de mythe de Faust en contrat avec Méphisto, que l'on tente de mettre aux goûts du jour mais malheureusement le scénario ne colle pas vraiment. A vouloir tenir plusieurs histoires en même temps, l'auteur se perd un peu en cours de route. J'ai été contente que cela se termine. Dommage pour mes espérances.

Du même auteur : L'ombre du vent

Dédale

Extrait :

Les jours passaient en lectures et en frictions. Accoutumé depuis des années à vivre seul et dans cet été d'anarchie méthodique et négligente propre à tout célibataire endurci, je voyais mes habitudes bien ancrées dynamitées peu à peu, de façon subtile mais systématique, par la présence constante d'une femme dans la maison, même s'il s'agissait que d'une adolescente turbulente au caractère imprévisible. Je croyais au désordre organisé ; pas Isabella; Je croyais que les objets trouvent d'eux-mêmes leur place dans le chaos d'une demeure ; pas Isabella. Je croyais à la solitude et au silence ; pas Isabella. Si je cherchais un coupe-papier, un verre ou une paire de chaussures, je devais demander à Isabella où la Providence lui avait inspiré de les cacher.
- Je ne cache rien. Je range les choses là où elles doivent être : ça n'a rien à voir.
Pas un jour ne s'écoulait sans que l'envie ne me vienne une bonne demi-douzaine de fois de l'étrangler. Lorsque je me réfugiais dans le bureau en quête de paix et de calme pour réfléchir, Isabella ne manquait jamais de faire son apparition quelques minutes plus tard, tout sourire, pour m'apporter une tasse de thé ou des petits gâteaux. Elle tournicotait dans la pièce, allait à la fenêtre, rangeait ce qui traînait sur la table, puis s'enquérait de ce que je fabriquais là-haut, toujours muet et mystérieux. Je découvris que les filles de dix-sept ans possèdent des facultés verbales d'une ampleur telle qu'elles sont contraintes par leur cerveau à les exercer toutes les vingt secondes. Le troisième jour, je pris une décision : il fallait lui trouver un petit ami, sourd de préférence.


Éditions Robert Laffont - 537 pages
Traduction de l'espagnol par François Maspero