Nous sommes sur la planète Océan.
Quartz B. est un garde du corps, un "sauveur", programmé pour protéger et défendre les autres, qui apprend à son réveil, en sortant de son caisson de stase, qu'il a perdu son client (mort) et son bras (remplacé par une bras mécanique).
Des nouvelles dures à encaisser dès le réveil. Mais certainement la pire est que la tâche de son client, la mission de paix sur Océan, lui incombe maintenant, à lui qui n'a strictement aucune qualification diplomatique. Mais le fait d'être à quinze années lumières de la terre peut aider à passer sur certains protocoles.

Voilà comment Quartz B. se retrouve au milieu d'une guerre larvée opposant les colons végétariens et carnivores. Chacun essayant de l'attirer dans son camp ou de le faire mourir pour éviter qu'il ne prenne parti. Car l'enjeu est là : s'il prend parti, cela peut déstabiliser l'économie et l'écologie d'un monde entier.
Lourde responsabilité.

Roland C. Wagner est un auteur français bien connu des milieux de la science fiction.
Comptant plusieurs dizaines de parutions et des prix dans la même proportion, il fait partie du panorama français, et c'est tant mieux.

Car il a la plume vive et acérée, Roland Wagner.
Il sait s'y prendre pour nous emmener dans son sillage, sur une planète inconnue pleine de faux-semblants  et de petit clins d'oeil à notre univers à nous, notre quotidien.
En une centaine de pages, ici, on parcourt Océan qui à tout l'air d'une planète où il fait bon vivre, si ce n'était qu'une espèce prédatrice s'y développe de manière fulgurante : l'homme.

En quelques chapitres, un peu d'humour, une aventure bien rodée et un personnage qui devient assez attachant, Roland Wagner nous livre sa vision personnelle de l'écologie et une solution possible à cette fuite en avant qui finira par laisser la planète exsangue.

Et pour parler d'écologie, quoi de mieux que de partir sur un monde "ailleurs" habité par des colons dont le langage à muté au fil des années et qui rappelle bizarrement, à la lecture, l'accent québécois. Du moins n'ai-je pu me l'enlever de l'oreille tant pour moi c'était frappant. Mais je vous laisse juge avec l'extrait en fin de page.

C'est un très court roman, presque une novella, très agréable à bouquiner dans un coin, entre deux rendez-vous, une histoire qui n'est pas "prenante" mais reste attractive pour qu'on ait envie de savoir où on atterrit à la fin. Ce n'est pas LE roman de l'année, ni LE livre que l'on va s'arracher chez le libraire du coin, et c'est peut-être bien dommage car derrière tout ça il y a un fond de réflexion sur notre futur qui est de plus en plus pressant. Ce n'est pas une sonnette d'alarme, pas encore. Ce livre, c'est simplement le voyant qui commence à clignoter. Mais c'est déjà ça à prendre en compte.

En tout cas, je le recommande, c'est un très bon moment de lecture émaillé de quelques sourires selon les réflexions et le situations, mais surtout cet accent, terrible. Un auteur que j'ai découvert et que je continuerai certainement de lire avec plaisir !

Cœur de chene

Extrait :

J'étais sans cesse harcelé par l'impression trompeuse de na pas avoir quitté la Terre. J'étais entré au Centre d'hypothermie de Milan le 9 janvier 2614 à neuf heures trente. La première injection m'avait plongé dans le néant une demi-heure plus tard. Je m'étais éveillé le 4 novembre 2629, vers midi. Du gouffre d'espace traversé par le Source de Vie, de ce quasi-million d'unités astronomiques, je n'avais même pas eu conscience. La seule solution de continuité entre la Terre et Océan avait été un sommeil peuplé de rêves en noir et blanc. Lorsqu'on est endormi, huit heures ou quinze ans ne font guère de différence, songeai-je avec philosophie en serrant les mains qu'on me tendait. La femme aux haillons si luxueux se fraya un chemin à travers la vingtaine de personnes agglutinées dans le hall du Gay Paris. Elle les écarta et vint se planter face à moi. Être le point de mire de l'assistance me gênait horriblement ; sur Terre, on ne m'aurait même pas remercié - et encore moins félicité. Je commençais à mesurer l'abîme qui me séparait de ces gens bizarrement vêtus.
   - Vus n'espérez pas vus en tirer sans allégeance, j'espère ? (elle secoua la tête.) Suis-je foule, vus ne savez même pas ce que c'est !
Quelques personnes acquiescèrent à voix haute avant même que je ne confirme. Un sauveur n'attend rien de la part de ceux qu'il sauve. Pas même de la reconnaissance. Il agit parce qu'il doit agir, parce qu'il est ainsi fait qu'il ne peut laisser une créature intelligente exposée au danger.
   - Je vus invite à sûper, proposa-t-elle. Nous pourrons ainsi faire connaissance, qu'en dachtez-vus ?
   - Dachter ?
   - Qu'en... pensez-vus, traduisit-elle. N'hésitez pas à me reprendre. Nous autres, Océaniens, sommes often... souvent difficiles à comprendre pour les Terriens. Les nouveaux arrivants ont tujûrs un problème d'adaptation. (Elle tortillait nerveusement une mèche blonde autour de son index droit.) Je dois éponger mon allégeance. Alors, c'est d'accord ?
J'acceptai. Un guide ne me serait pas inutile dans cette cité de cinq cent mille habitants dont je ne savais rien. Je fis un rapide saut à ma chambre, vérifiai la présence de mes bagages, puis rejoignis la jeune femme qui m'attendait dans le hall.


Edition ActuSF- 132 pages