Au début, Alex pensait que Christian était parti en vacances à l'autre bout du monde avec ses parents, mais quand l'entraineur lui dit avoir vu Christian au super-marché du coin, Alex est furieux : pourquoi Christian ne l'a pas appelé ? Sur les conseils de sa mère, Alex va alors espionner le domicile de son copain. Et ce qu'il va découvrir va littéralement modifier son existence.

Dans ce roman, Jean-Philippe Blondel aborde les thématiques classiques de la littérature jeunesse : l'amitié, les relations parents-enfants, la difficulté de grandir, l'entraide, la lutte contre les préjugés. Son narrateur, Alex (est-ce le même Alex que celui du Baby-Sitter ?) va apprendre que pour aider les siens, on ne demande pas de permission :

On entre toujours en effraction dans la vie des autres, ils se rebellent, ils refusent, et puis finalement ils font avec et ils sont contents.

Ce terme d'effraction définit très bien l'écriture de Jean-Philippe Blondel : que ce soit dans ses romans pour la jeunesse ou pour les adultes, il continue son exploration de l'âme humaine. On "entre" avec lui dans les pensées de ses personnages, on les voit évoluer, mûrir. Au rebond ne fait pas exception et l'auteur nous épargne la caricature des clivages sociaux. Nous ne sommes pas chez Cosette et celui qui a besoin d'aide n'est pas le plus désœuvré financièrement.

Comme souvent chez Jean-Philippe Blondel, les figures féminines sont lumineuses et d'une grande force de caractère. Dès les premières pages, la mère d'Alex impose son dynamisme et sa joie de vivre. Elle mène tout ce petit monde à la baguette et à l'amour, sans jamais juger et avec une générosité proche de l'abnégation. Alex va ainsi découvrir une facette de sa mère qu'il ignorait ou ne voulait pas voir. Quant à la mère de Christian, elle va profiter de ce soutien inattendu pour reprendre sa vie en main et on découvre une femme drôle et volontaire.

Ces quatre-là vont donc former une nouvelle équipe, une famille qui s'est choisie, loin de tout conformisme. Et si Alex et Christian doivent faire face aux rumeurs, ils le font avec beaucoup d'humour sachant très bien que ce qu'ils partagent n'a pas de prix. C'est donc un roman plein d'optimisme et d'intelligence, comme ceux que la mère d'Alex conseille à celle de Christian (celui-ci et celui-là). Et pourtant... c'est peut-être la première fois que je ferme un roman de cet auteur avec un goût de trop peu, une sensation de survol. Déjà Alex, Christian et leurs mères s'estompent de ma mémoire alors que je sors à peine de ma lecture. Je garde un souvenir bien plus précis et émouvant d'Un endroit pour vivre, autre roman jeunesse de Jean-Philippe Blondel, qui malgré sa brièveté avait une force émotionnelle incomparable.

(D'autres avis, très nombreux, dans la blogosphère : Clarabel, InColdBlog, Essel, Saxaoul, Elfique, Laure, Sylvie, Cuné, Aurélie, Clochette, Armande et Gawou)

Voir aussi :
L'interview de Jean-Philippe Blondel
6h41
Et rester vivant
G229
Le baby-sitter
Passage du gué (Prix Biblioblog 2007)
1979
Juke-Box
Un minuscule inventaire
This is not a love song
Un endroit pour vivre
À contre-temps

Laurence


Extrait :

- Quoi, qu'est-ce que j'ai dit ?
Ma mère se rebelle. Elle a l'impression que je me moque d'elle. Elle a raison.
- Rien maman. Je crois que ton idée me plaît.
Elle sourit à son tour. Elle est contente. Elle regarde par-dessus mon épaule, de l'autre côté de la fenêtre. Deux rue, et puis la rocade. L'hôpital, au fond. Elle a les yeux dans le vague. Elle parle, d'une voix sourde, comme elle se parlerait à elle-même.
- J'aurais bien aimé, moi, que quelqu'un fasse le guet pour moi. Que quelqu'un s'occupe de moi quand je n'allais pas bien. J'aurais bien aimé être épaulée. C'est même un mot qui me donne toujours le vertige, celui-là. Épaulée. J'en aurais pleuré à certains moments de ne pas être épaulée. C'est là aussi que je me suis rendu compte que je n'avais pas vraiment d'amis. J'avais eu des tas de flirts, mais j'avais peu d'amis. Et "peu", c'est juste pour éviter de dire "pas". Et je l'ai beaucoup regretté. Alors si tu t'inquiète pour lui, fonce. Même si tu as peur d'être ridicule. Même si ça te paraît débile. Il ne t'en voudra jamais. Et s'il t'en veut, c'est que ce n'était pas ton ami.


Au rebond de Jean-Philippe Blondel - Éditions Actes Sud Junior - 100 pages