J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans cette histoire. Principalement parce qu'on ne sait rien de ce groupe d'amis, ce qu'ils ont fait, ce qui les lie. On comprend qu'ils ont eu des liaisons les uns avec les autres, mais on n'en sait tellement peu qu'il est impossible de se faire une idée claire de chacun des personnages. Les différentes anecdotes ne permettent pas, à mon avis, de dresser des portraits qui susciteraient l'intérêt, la sympathie ou l'aversion. En plus, chacun porte un surnom dont le code n'est pas donné au départ, ce qui ne facilite pas la tâche du lecteur.

L'idée était certainement d'avancer par touches dans l'obscurité, d'abord très opaque, puis s'éclairant peu à peu au fil des révélations. Le lecteur est censé apprendre rétrospectivement des choses qui devraient expliciter les propos précédemment tenus. C'est risqué comme construction et ça ne fonctionne pas ici car l'auteur ne nous donne pas assez d'éléments dès le départ pour rendre intéressant le sort des personnages.   

On en apprend en fait beaucoup plus sur les oiseaux, les grenouilles et les singes que sur Suzanne, Marthe, Cédric et Simon. Les données ornithologiques sont extrêmement précises, trop même pour moi dont la science en la matière ne va guère plus loin que la poule et le rouge-gorge...

Ys

Extrait :

Mon regard glissa sur Jérômine Gartner et je me mis à étudier les objets posés sur les différents plateaux de l'étagère. Ce qui attirait tout d'abord l'œil était une sculpture en bois sombre d'une vingtaine de centimètres de haut. D'origine africaine peut-être, elle représentait une grenouille, debout, portant à bout de pattes un enfant. La grenouille et l'enfant avaient des regards inexpressifs mais curieusement apaisants. On ne pouvait pas en dire autant de la créature, plutôt effrayante, dessinée sur papier pelure et mise en valeur dans un cadre sans vitre. Il ne s'agissait pas d'une bête, pas plus que d'un humain, une humaine en l'occurrence, mais d'un mélange des deux quelque peu grotesque. Le visage était très pale. Les dents évoquaient des crocs. Ses cheveux, longs et emmêlés, descendaient jusqu'aux chevilles. Elle avait des seins flasques qui tombaient sur ses genoux et, détail particulièrement horrible, de longues jambes poilues terminées par des pieds tournés vers l'arrière. Je fixai un moment le monstre puis considérai la multitude de fioles éparpillées autour d'un gong, sur le deuxième plateau. Les fioles contenaient du sable, il y en avait de diverses couleurs et, pour chacun, une étiquette en indiquait l'origine. Je commençai à lire en silence : îles du Vent (Polynésie), Mostaganem (Algérie), Valparaiso (Chili), Recife (Brésil), Port-au-Prince (Haïti), Leffrinckouck (France), Vik (Islande), Hydra (Grèce), Samarinda (Bornéo), puis je continuai en murmurant :
- Siquijor...


Mourir n'est peut-être pas la pire des choses de Pascal Dessaint - Éditions Rivages - 317 pages