Alors que François et Robineau tentent de retrouver l'identité du cadavre, voici qu'un deuxième corps est retrouvé dans le même état. Pourquoi l'assassin s'en prend ainsi à leur visage ? Quels liens unissent les victimes ? La France découvrirait-elle, après Landru, un autre meurtrier en série ?

Le jeune François, féru des nouvelles méthodes d'investigation de la police scientifique, doit parfois faire face aux réticences de Robineau. En effet, pour ce dernier, seules les qualités d'observation leur permettront d'arrêter le meurtrier. Et puis, pour Robineau, cette enquête est aussi une façon de redorer le blason de la Criminelle après l'arrestation de Landru par les Brigades du Tigre. Mais l'enquête s'avère longue et difficile, et bientôt un troisième cadavre vient allonger la liste de ces gueules cassées.

Guillaume Prévost parvient tout au long de son récit à mêler habilement intrigue policière et éléments historiques. En suivant l'enquête à travers le regard de François, on découvre (ou redécouvre) ce qui agitait la France au sortir de la guerre : les premières manifestations de syndicats, les luttes intestines entre les différents service de police, le traumatisme pour toute une génération revenue de l'horreur etc. François n'est lui-même pas exempt de cauchemars et d'obsessions, et c'est un jeune inspecteur fragile que le lecteur suit pas à pas. Et puis bien sûr, il y a les "gueules cassées" dont le meurtrier s'inspire, ces hommes totalement défigurés par la guerre. Pour son enquête, François va aller à leur rencontre à l'hôpital du Val-de-Grâce et l'auteur en profite alors pour nous raconter les progrès de la chirurgie et les conditions de vie absolument terrifiantes de ces survivants.
En avançant dans la lecture, on pense d'abord avoir compris trop vite la teneur des assassinats, mais l'auteur se joue de nos talents de déduction pour mieux nous tromper et bout du compte le dénouement nous surprend avec plaisir puisqu'il n'y a rien de plus agréable dans un polar que de se tromper. Voilà qui est de bonne augure pour les prochaines enquêtes de François-Claudius Simon puisque La valse des gueules cassées est le premier opus d'une série à venir.

Laurence

Extrait :

François s'approcha, s'efforçant, comme on le lui avait appris, de faire le tri entre ce qui avait de l'importance et ce qui n'en avait pas. Les vêtements, d'abord. Des bottes hautes à semelles larges, un pantalon et une chemise en tissu épais, le tout maculé de boue. À l'évidence, l'homme n'était pas un employé de la société de chemin de fer, ou du moins ce n'est pas en cette qualité qu'il avait pénétré dans le hangar. Par contre, il avait dû travailler - et jusqu'au cou - à l'excavation de l'espèce de puits près de l'escalier. Sur sa poitrine, au niveau de l'estomac et du poumon gauche, deux fleurs sombres soulignaient effectivement l'impact des deux balles. Tirée à courte distance, vu la netteté et la profondeur des blessures. Encire eût-il fallu davantage de lumière pour être sûr… Curieusement, les bras étaient le long du corps, presque au repos, comme si la victime n'avait pas eu le temps d'esquisser le moindre geste.
Pour ce qui était du visage, il n'y avait pas de mot. Le menton, la bouche, le nez avaient été fracassés, réduits en bouillie informe que le sang coagulé enveloppait maintenant d'une gangue poisseuse.


La valse des gueules cassées de Guillaume Prévost - Éditions NiL - 278 pages