A la lecture de la quatrième de couverture, je pensais innocemment partir pour un voyage captivant vers une autre culture. Notamment des passages suivants étaient suffisamment attrayants : « …Les Nenets sont parmi les derniers autochtones à défendre un mode de vie ancestral au nord du cercle polaire » et « Astrid Wendlandt a nomadisé avec eux dans la toundra hostile. » ou bien « Le mystère des Nenets, leurs croyances et leurs coutumes invitent à penser qu'il reste encore quelques arpents de la planète où la beauté, la magie et le sacré sont à portée de main ».

Hélas, hélas. Cela n'a pas été le cas. Pourtant, tous ces sujets étaient bien prometteurs. Mais l'alchimie n'a pas fonctionné. J'ai failli abandonner bien des fois. Si tout ce que présente l'auteur est incontestable, la façon de présenter ses propos et les faits est des plus brouillonnes. Je dois avouer que les passages sur la quête spirituelle de l'auteur m'ont passablement ennuyée. J'aurais aimé en apprendre encore plus sur ce peuple de nomades, les suivre un peu plus en détails et sur une durée plus longue. Cela a peut-être été le cas pour l'auteur mais cela n'est malheureusement pas rendu dans ces pages. Tout cette matière aurait fait de bons articles pour la presse écrite. Il m'a manqué quelque chose dans la rédaction pour que j'adhère totalement.

Il est évident que Gazprom phagocyte toute la région pour profiter au maximum des ressources de gaz naturel enfouies sous le permafrost. Les Nenets ne bénéficient pas des retombées de cette manne financière, sauf peut être des livraisons plus régulières d'alcool, des rotations des hélicoptères qui emmènent leurs enfants en internat à la ville pour les scolariser. La disparition de leurs traditions arrive au grand galop. Vont-ils succomber aux mêmes maux que les inuits du Grand Canada ? L'auteur étant d'origine canadienne sait pourquoi elle s'interroge et fait bien le parallèle entre les deux peuples.

En somme, l'auteur présente plus la Sibérie, la toundra, les problèmes liés à la gestion des ressources naturelles, son rôle de prison à ciel ouvert sous le communisme, les conséquences sur ce fragile environnement du réchauffement de la terre que des derniers nomades qui y vivent. Tout l'aspect réellement ethnologique est à mon sens trop saupoudré parmi les autres sujets traités par l'auteur et dont on peut prendre connaissance ailleurs. Dommage, dommage. J'irai donc découvrir les Nenets autrement.

Dédale

Extrait :

Le monde nenets est un jardin ouvert. La notion occidentale de propriété ne fait pas partie du système de valeurs nomades. Les Inuits canadiens qui ont créé le Nunavut et le Nunavik ont importé d'Europe le concept de propriété. Avant que les Anglais, les Français et les Danois ne leur prennent leurs terres, les Inuits ne ressentaient pas le besoin de la posséder. Le Grand Nord a toujours été assez vaste.
Pendant les purges des années 1930, les Rouges réquisitionnèrent les rennes et entreprirent des collectivisations. Chefs de clans et chamans furent emprisonnés. En réaction germèrent des mouvements de rébellion, les Mandalada. Les Nenets organisèrent des sabotages et des insurrections. Ils furent vite réprimés par les Soviétiques et la neige des hautes latitudes se teinta du sang de la révolte. En 1943, le parti communiste nomma ces poussées de résistance « soulèvement armé des Koulaks et chamans contre les autorités soviétiques » et des centaines de Nenets prirent le chemin du Goulag.


Au bord du monde de Astrid Wendlandt - Éditions Robert Laffont - 269 pages