Mon amour, c'est l'histoire des membres d'une famille en décomposition. Daniel, le mari au chômage, est plus proche de ses amis de comptoir que de sa femme, Roberta, qui décide enfin de lui dire ses quatre vérités. C'est également la vie de Monique, la sœur de Roberta, et des enfants du couple, Kévin, Franck ou Nadia, qui tentent de trouver des issues à ce monde bouché dans lequel ils vivent.

Ces personnages n'ont pas grand chose pour égailler leur vie : le chômage s'est abattu sur Daniel, qui n'arrive pas à s'en sortir, Roberta ne cesse de penser à son premier mari, qui s'il était un salaud avait au moins le mérite de lui offrir des satisfactions physiques compensatrices. Au cours des discussions avec Monique, elle fait d'ailleurs découvrir à cette dernière ce que signifie l'amour physique, elle qui n'a que des relations conjugales tristes et monotones avec son mari. Et pour les enfants, rien ne semble pouvoir les aider. L'aîné oublie son mal-être dans des relations homosexuelles sans lendemain, avec des hommes de passage, et les plus jeunes voient leur couple se désagréger peu à peu, ou commettent des petits délits qui leur font découvrir les plaisirs d'être embarqué par la police.

Mon amour n'est pas une lecture facile. Emmanuel Adely adopte un style oral, où les prises de parole des différents protagonistes se succèdent. On passe ainsi des propos de comptoir tenus par Daniel aux reproches adressés par Roberta ou aux raisons pour lesquelles le couple entre Fred et Nadia bat de l'aile. La narration se fait par des chapitres plus ou moins longs, très denses, dans lesquelles la présentation des dialogues est bouleversé. Il m'a fallu un temps d'adaptation pour me faire à cette présentation, mais il ne fut heureusement pas très long.

Le ton est également très cru. Si les passages traitant des relations homosexuelles sont les plus crus, car présentés sans aucune retenue, les propos que se tiennent les différents protagonistes ne sont pas toujours très amènes. Emmanuel Adely nous plonge dans une famille comme il en existe beaucoup, recomposée, avec des enfants qui tentent de s'en sortir comme ils peuvent et des parents qui doivent se battre pour que les fins de mois soient les moins difficiles possible, sans toujours trouver la solution. On ne sait pas précisément où se situe l'action, ni à quelle époque, mais ce manque de précision ne fait qu'accentuer l'universalité du propos. Car si le roman a maintenant cinq ans, il parle toujours de la vie quotidienne de milliers de personnes.

La représentation théâtrale à laquelle j'avais assisté, par la compagnie Le talon rouge, rendait tout à fait cette violence qui émane du texte, dans les gestes mais également dans les paroles. Un livre brut, parfois violent, duquel on ne sort pas indemne. Un roman dans lequel l'amour, même si tout le monde en parle et le cherche, est malheureusement absent. Et c'est certainement ce qui manque le plus à ces personnages en perdition.

Yohan

Extrait :

Parce que tu crois quoi, que ça existe il demande Daniel. Tu rêves toi. Je te dis c'est pour les riches, pour ceux qui ont le temps. L'autre, il dit arrête va, et ils boivent sans trinquer, chacun face au comptoir. L'amour c'est pas fait pour les pauvres, c'est tout ce que je dis il dit Daniel, c'est un luxe quand t'as déjà du luxe, c'est comme du parfum, tu vois, des trucs qui servent à rien qu'à sentir bon en plus. Ouais, c'est du temps qui est pas fait pour les pauvres et c'est tout ce que je dis. T'es con, il dit l'autre et il rit, et il commande la même chose hein, et sans mousse, mais tu me plais bien. Ils reposent les verres. Ils regardent les bouteilles alignées derrière le comptoir.


Mon amour de Emmanuel Adely - Éditions Joëlle Losfeld - 168 pages