François Vallejo a vécu cet incendie lors d’un voyage à Lisbonne. Cet événement traumatisant est donc le prétexte de ce roman. Par cette histoire d’enfermement volontaire, il met en scène la manière dont ces individus, sans eau, sans réserves, doivent se résoudre au pillage et faire face à cette pénurie. Cette première partie m’a d’ailleurs beaucoup fait penser à L’aveuglement de Saramago. Je ne sais pas si c’est dû au Portugal, mais la situation de ce groupe, soudé mais aux intérêts divergents, m’a rappelé celle de ces aveugles contraints de faire preuve d’inhumanité pour survivre.

Si le début est intéressant, il est un peu longuet. L’intrigue ne prend vraiment tout son sens qu’à partir du moment où le groupe se sent suivi par une cinquième personne, et surtout lorsque cette personne va les rejoindre. Juvenal est alors l’élément perturbateur du récit, celui qui pousse l’intrigue plus loin. Par sa curiosité, par ses questions, il oblige ses compagnons à se rendre compte de leurs failles, à mettre en avant ce qui les a vraiment poussé à braver l’interdit, à dévoiler les secrets que chacun voulait enfouir en s’enfuyant. Je ne dévoilerai pas ces secrets ici, chacun ayant le sien (même Juvénal, ce qui d’ailleurs lieu à un passage d’une terrible violence psychologique, serai-je tenté de dire).

Vallejo poursuit les thèmes déjà rencontrés dans ses précédents romans : celui de la mise à l’écart du monde, du retrait qui met en exergue les véritables motivations de chacun, comme celle de L’Aubépine dans Ouest. On retrouve également le thème du secret et de son dévoilement, très présent dans Groom. Surtout, on retrouve la patte de l’écrivain, avec sa manière très personnelle de présenter les dialogues : pas de ponctuation spécifique, pas de verbes indiquant l’interlocuteur. C’est au lecteur de jouer à deviner qui prend la parole, ce qui n’empêche en aucun cas une lecture fluide.

Si L’incendie du Chiado m’a moins emballé que mes précédentes lectures de Vallejo, cet ouvrage reste un moment agréable de lecture, une fois l’intrigue réellement lancée. Un nouveau moment globalement réussi avec cet auteur, surprenant et capable de varier les intrigues sans perdre son écriture.

Du même auteur : Métamorphoses, Le voyage des grands hommes, Groom, Ouest, Madame Angeloso, Vacarme dans la salle de bal, Les sœurs Brelan
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Yohan

Extrait :

La nuit, la vraie, est presque complétement tombée. Ils osent ressortir : l'hélicoptère a tourné quelques minutes, au loin. Ils ne l'entendent plus. Dans ce calme, seulement entrecoupé de rafales, c'est un soulagement de ne plus voir la cendre se déposer sur ses épaules, ses bras, de ne pas même la sentir, elle est si légère.
Comme l'eau, l'électricité a été coupée dans le quartier : les lampadaires en ferronnerie ballent et grincent au vent, c'est tout. Lisbonne c'est plus une ville, une forêt peut-être : craquements de branches, sifflements de courants d'air entre les fenêtres ouvertes, et le noir, du noir brut. Et l'odeur, plus écœurante depuis qu'ils ne voient rien, cette odeur de combustion, tourbeuse et chlorée, piquante à retourner l'estomac.
Vous avez eu votre bière. Vous ne devez pas rester ici. Plus nous sommes nombreux, plus il est facile de nous repérer. Vous voyez, je ne peux rien pour vous. On ne se connaît pas. Partez, c'est tout.


L'incendie du Chiado de François Vallejo - Éditions Viviane Hamy - 244 pages