Morsaline est une clinique, maison de repos, établissement où l'on soigne certains troubles psychiatriques, comme les dépressions, les addictions à l'alcool, les phobies, les traumatismes liés à une vie qui parfois ne fait pas de cadeaux.
Quand parmi les occupants, un puis deux malades se font dézinguer. Quand le premier est le fils Duclois, fils plein de vices d'un important homme d'affaires de la région et que le second est un certain Berthomieux, fabulateur ordinaire et pas bien méchant, la réputation de la clinique La Bruyère en prend un coup.

C'est au commissaire Czerny que l'on confie cette si délicate affaire. Il devra élucider ce mystère qui s'épaissit un peu plus quand il apprend que le même jour un maître-chanteur a aussi trouvé la mort avec la même arme, celle d'un professionnel qui plus est. Trois victimes, de classes sociales très différentes, y a quelque chose qui cloche ! De plus, dans l'ombre deux voire trois personnes inconnues suivent de très près la progression de l'enquête. Tout semble évoluer très vite.

L'intrigue policière étant posée, venons en aux personnages. Il faut dire que Morsaline est surtout prétexte pour retrouver plus personnellement toute l'équipe du commissariat Waldeck Rousseau, celle qui a déjà œuvre dans La mélodie des cendres. Si certains avaient trouvé cette équipe un peu déjantée, peu ordinaire, ils vont être servis avec Morsaline. Évidemment on trouve le commissaire Czerny et ses cubes tournant dans sa tête au gré des indices et informations récoltés, le commandant Mazurelli au look de rocker, banane en avant comme une tête de proue, le lieutenant Carol Joly ,dite Joss Randall, petite bonne femme dynamique comme un boisseau de puces et loin d'être bête. On oubliera pas le lieutenant Prigent, dit Pastèque, sorte de géo-trouve-tout. « Pastèque avait les capacités intellectuelles de trois promotions d'énarques et de normaliens réunies, mais il aurait aussi cloué le bec à une assemblée de concierges. » Un personnage plein de saveurs. Comme sa copine, Juliette Merliton-Daubrieux, légiste de son état, qui elle aussi vaut son pesant de sourires et de loufoqueries.

Avec cette enquête, Hervé Sard s'en est donné à cœur joie dans la galerie de portraits. Dans tous les personnages du commissariat ou même ceux de la clinique et d'ailleurs, il n'y en a pas un pour racheter l'autre. Tous sont intelligemment peints, savoureux. C'est plein d'humour sans être corrosif car on sent bien que l'auteur aime ses personnages. De sacrés caractères ! Un vrai régal.

Tout cela donne une lecture fort sympathique, que l'on fait avec le sourire aux lèvres, mais le sourcil relevé pour ne pas perdre les indices et informations que l'auteur sème au fil des lignes. Il ne lâche rien tant qu'il ne l'a pas décidé. Au lecteur de suivre malgré les fausses pistes, les moments de bravoures de ses personnages et de tenter d'élucider cette enquête menée comme une partie de dominos.

Du même auteur : La mélodie des cendres, Mat à mort, Vice repetita, Le crépuscule des gueux

Dédale

Extrait :

- Feu ! Il était une fois une gentille balle de 9 millimètres, toute guillerette à l'idée de partir en promenade. Elle en avait de l'énergie à revendre, la pauvrette, depuis le temps qu'elle attendait, enfermée dans le noir, qu'on lui donne le top départ ! Le moment tant attendu était enfin venu. Et la voilà partie, insouciante, pressée de découvrir le monde. Mais le monde n'était pas ce qu'elle espérait. Elle fit plusieurs rencontres. Oh, des rencontres très brèves ! Mais intéressantes, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle laissa de ce passage rapide des marques indélébiles. Et… Mademoiselle, ça vous gênerait de fermer la bouche ? J'en étais où, déjà ? Ah oui. Des marques indélébiles. Elle ne s'arrêta pas pour saluer une pauvre peau, par exemple. Beaucoup trop fine pour qu'elle y fasse attention. Elle continua son bonhomme de chemin, filant vers ce qu'elle n'allait pas tarder à contourner. Un os. Un côte, plus exactement. La côte la dévia de sa trajectoire, mais somme toute assez peu. Des choses plus intéressantes l'attendaient plus avant. Dites, mademoiselle, vous me dites si je vous fais suer… Et puis fermez-moi cette bouche, nom d'un chat, on dirait un poisson rouge ! Bon, ça va commissaire, je vais vous le faire bref. J'ai toujours pensé que vous n'aviez aucun humour. Vous savez quoi ? C'est ce qui me plaît chez vous. C'est votre côté mystérieux. Il y en a qui sont pince sans rire, mais vous c'est différent. Vous êtes sans rire tout court. Ça doit être triste à la longue. Bon, monsieur de Broglie est mort sur le coup. Ou presque. À un moment donné il était complètement vivant, et une fraction de milliseconde plus tard il était complètement mort. Entre les deux, allez savoir dans quel état il était ! Ni mort, ni vivant. Enfin, mal barré tout de même. Ça vous va, on passe au suivant ?


Morsaline de Hervé Sard - Éditions Krakoen - 328 pages