Composé de 16 nouvelles, ce recueil met en scène les pensées d'hommes et de femmes ordinaires à un moment critique de leurs existences. Pour beaucoup, il est question d'amour (de la déclaration à la rupture). D'autres doivent affronter l'extérieur, que ce soit la rue ou le monde de l'entreprise. D'autres enfin, regardent le chemin parcouru et s'apprêtent à mettre fin au voyage.

Les héros de Luc-Michel Fouassier sont ceux que l'on croise tous les jours dans les rues de son quartier, à l'instar de la nouvelle qui ouvre le recueil, Rue des fontaines.
Il y a les inquiets et les fuyants, comme les narrateurs de Jalousie chlorée ou Dans la rue Maboule qui préfèrent fuir ou renoncer que d'affronter une dispute conjugale ; le protagoniste d'Interstice qui angoisse à l'idée d'intégrer une multi-nationale ; ou encore le narrateur de la nouvelle éponyme, absolument catastrophé que son fils soit obligé à son tour de porter des lunettes.
Il y a ceux qui vivent par procuration, comme les narrateurs de Bjorn et John ou de Page de pub.
Il y a les amoureux, qu'ils soient heureux (Trois pipis), ou blessés (Ordinateur de bord ou Bains révélateurs).
Il y a aussi  les solitaires, par choix ou obligation (La grenade, La crue) et les méditatifs (L'héliotrope, Le souffle sur l'Égée).

Il est donc question de vies, d'existences, plus que d'évitement ou d'échappatoire comme le présente la quatrième de couverture. Si je n'ai pas eu de déplaisir à suivre Jean-Luc Fouassier dans ses déambulations, aucune nouvelle ne m'aura réellement frappée, heurtée. Comme des phrases écrites sur le sable, chaque nouvelle effaçait un peu la précédente et aucune n'aura été assez forte pour s'imprimer durablement dans ma mémoire. Sans doute m'a-t-il manqué une écriture plus singulière, des scenarii moins attendus ou des chutes plus étonnantes. Si j'ai aimé la légèreté de Rue des fontaines, ou la cruelle réalité de La crue, d'autres nouvelles m'ont laissée plus que dubitative. C'est le cas par exemple de Page de pub qui ne m'a pas semblé dépasser l'exercice formel ou Trois pipis dont je cherche encore l'intérêt dramatique.

Les hommes à lunettes n'aiment pas se battre, m'a donc permis de passer un bon moment mais il ne fera pas partie des textes qui auront marqué mon année 2010.

(D'autres avis, ailleurs dans la blogosphère : Sylire, Anne et Clara)

Laurence

Extrait de Dans la rue maboule:

- Tu n'as qu'à partir !
- T'as raison, je me casse !
J'ai foncé dans le couloir, décroché mon blouson de la patère et j'ai claqué la porte. Je suis descendu dans la rue. Et que peut-on bien faire lorsque l'on vient de se disputer avec sa femme, qu'on n'a surtout pas envie de faire demi-tour et qu'on se retrouve dans la rue, à la nuit tombée, avec pour seule alternative prendre le trottoir sur sa gauche ou sur sa droite ? On ferme les yeux quelques secondes, on respire un grand coup, on regarde de nouveau autour de soi, on cherche un signe du destin - n'importe quoi fera l'affaire, un chat qui se sauve, l'appel d'un klaxon au loin, le clignotement d'un réverbère défectueux - finalement on s'élance d'un côté comme on plongerait dans un lac aux eaux sombres en espérant que le temps qui s'écoulera avant de toucher le fond puisse durer une éternité.

Les hommes à lunettes n'aiment pas se battre
Les hommes à lunettes n'aiment pas se battre - Luc-Michel Fouassier - Éditions Quadrature - 108 pages