Disons-le tout de suite, alors que j'avais beaucoup apprécié La servante écarlate du même auteur, ce roman-ci (qui a paru pour la première fois en France en 1990 et reparaît maintenant dans un format de poche) est pour moi une énorme déception.
À quoi bon ? Le livre m'a paru fade autant sur le fond que sur la
forme. On y retrouve certes les thèmes chers à l'auteur que sont le
féminisme et l'écologie, mais ils n'y ont qu'une faible importance. Le
peintre a en elle une sorte de résignation, on a presque l'impression
qu'elle-même se dit À quoi bon ?
par exemple quand la galeriste
surinterprète le sens de ses tableaux (qui sont souvent liés à des
réminiscences de son enfance).
On trouve donc peu d'aspérités dans ce livre, qui est une sorte d'autobiographie imaginaire de peu de relief d'un être sortant lui-même peu de l'ordinaire. Les parties qui m'ont semblé les plus intéressantes concernent les plus jeunes années de la narratrice, son père scientifique qui les emmène elle et son frère à la découverte de la forêt, ses amies et leurs disputes, et parmi elles le personnage de Cordelia qui traverse tout le livre. Dans l'ensemble, je trouve que cela manque vraiment de romanesque !
Du même auteur : La servante écarlate.
Extrait :
Nous avons commencé à claquer des portes et à lancer des choses. Je lance mon sac à main, un cendrier, un paquet de pépites de chocolat qui éclate sous le choc. Pendant des jours, nous en ramassons. Jon lance un verre de lait, le lait, et non pas le verre, car, contrairement à moi, il connaît sa propre force. Il lance une boîte de céréales Cherrios encore scellée.
Les choses que je lance manquent leur but, bien qu'elles soient plus graves. Les choses qu'il lance atteignent leur but, mais elles sont inoffensives.
Je commence à voir où se situe la ligne de démarcation entre la comédie et le meurtre.
Jon brise des choses et en recolle les morceaux selon le dessin créé par l'impact. J'en vois l'intérêt.
Dans la salle de séjour, il boit une bière en compagnie d'un des peintres. Je suis à la cuisine, à malmener les casseroles.
— Qu'est-ce qu'elle a ? dit le peintre.
— Elle est furieuse parce qu'elle est une femme, dit Jon.
Voilà quelque chose que je n'ai pas entendu depuis des années, depuis mon temps de collège. À l'époque, c'était une chose honteuse à dire, et humiliante si un homme la disait à votre sujet. Cela impliquait la bizarrerie, une difformité, une anomalie sexuelle.
Je me pointe dans l'entrée de la salle de séjour.Je ne suis pas en colère parce que je suis une femme, dis-je. Je suis en colère parce que t'es un connard.
Œil-de-chat de Margaret Atwood - Robert Laffont Pavillons Poche - 674 pages
Traduit de l'anglais par Hélène Filion
Commentaires
jeudi 3 février 2011 à 08h58
J'ai également beaucoup aimé La servante écarlate. Dommage que celui-ci soit moins bon. Et ce n'est peut-être pas pour rien qu'Atwood soit quasi uniquement connue pour La Serveuse écarlate.
jeudi 3 février 2011 à 15h30
Je suis en train de le lire. J'ai dépassé la moitié mais comme toi, je trouve le tout vraiment un peu trop plat. La passivité d'Elaine dans la première partie m'a vraiment irritée et j'espère encore un petit rebond dans l'intrigue (en vain si j'en crois ton billet). Enfin, je tenterai quand même La servante écarlate qui a bien meilleure presse sur la blogo...
samedi 5 février 2011 à 01h11
J'ai lu ce roman il y a quelques années et avant de lire le résumé, je ne me rappelais plus du tout de quoi il était question ! C'est dire que le roman ne m'a pas marqué... Si une amie ne m'avait pas encouragé à lire la servante écarlate, j'aurais sûrement arrêté là ma découverte de cette auteure.
samedi 5 février 2011 à 02h34
Merci pour vos commentaires qui me rassurent en me permettant de constater que je ne suis pas le seul à avoir trouvé ce livre-ci un peu ennuyeux !