La spécialité de ce détective à la cinquantaine massive, guère loquace, c'est la "récupération" de jeunes femmes de la campagne vendues de force par leurs  familles à des maris brutaux et peu recommandables. Ces enquêtes le mènent sur la voie de trois femmes au destin tragique qu'il a connues et peut-être aimées dans le passé. Il est en cela aidé par son ami "Bec-de-canard", une femme médium et un vieux chien, réincarnation probable d'un homme qu'il a connu autrefois. Ces trois personnages (les animaux ont autant d'importance que les humains dans ce récit), le guident depuis la Chine du sud où il réside, à New-York (Chinatown), puis au Japon où se dénouent les fils emmêlés de l'intrigue.

Qu'est-ce qui fait le charme de ce court roman ? Et peut- on parler vraiment de roman ? C'est plutôt un récit  plein de fantaisie et d'invention, plus complexe qu'il n'y parait : Zuo-lo ou Zorro est le héros d'un auteur nommé Chen Wanglin, lequel a été inventé par un écrivain qui n'est autre que Christian Garcin… On est chez Cervantes ou chez Borges… Des contes traditionnels, des extraits de romans chinois classiques ou encore des poèmes, émaillent un récit où l'humour est toujours présent, bien que teinté de mélancolie. Bref, laissez-vous tenter par les pérégrinations de ce Zorro chinois, vous ne le regretterez pas !
 

Marimile

Du même auteur : Ienisseï.

Extrait :

Un vieux chien fouillait les poubelles à l'angle de Mott  street et Bayard street, sans se soucier le moins du monde des humains qui circulaient et trottaient, le ventre en avant ou la chevelure flottant à l'arrière de leur étrange corps vertical, et parfois même les deux à la fois, les bras en balancier, une fumée blanche sortant parfois de leur bouche, quand ce n'était pas de petits liquides malodorants. U n sifflet retentit, quelques gutturales invectives, et le chien courba l'échine. Il avait l'habitude qu'immédiatement après quelque projectile fût lancé sur lui. Cela ne rata pas:une pomme de terre un peu molle mais très dense lui atteignit violemment le bas du dos, lui arrachant un gémissement de vexation plus que de douleur. Elle provenait du restaurant Le Phénix de jade. Il ne demanda pas son reste et partit, non sans avoir toutefois pris soin de saisir fermement entre ses mâchoires une carcasse de canard prise au hasard parmi les dizaines qui lui étaient offertes, résidus provenant de la cantine Big Menfei, située à quelques mètres de là.

Des femmes disparaissent
Des femmes disparaissent de Christian Garcin - Éditions Verdier - 185 pages