Ce livre choral nous raconte sept histoires, tour à tour pathétiques, sinistres ou simplement poignantes de résignation et de désespoir.

Ces extra-terrestres que l’humanité attendait sont enfin venus. Pas de guerre inévitable, pas de bienveillance embarrassante, ils ont juste purement et simplement annexés la planète au nom d’un immense congloméra galactique, un congloméra économique et… touristique !

Ils ont simplement expliqué que l’humanité avait massacré sa planète, qu’ils ne la méritaient pas et que donc ils allaient passer du statut de propriétaires à celui de locataires sur leur propre planète. Toute velléité de résistance a été annihilée par une démonstration brutale et sans appel, l’engloutissement immédiat du continent africain. L’humanité a plié, abdiqué et courbé l’échine.

Devenue une réserve naturelle, séjour touristique pour des E.T fortunés - de toute façons, tout E.T est fortuné comparé à un terrien ! - la terre n’abrite plus que des gens résignés pour qui le seul geste de révolte est de partir, le plus loin possible de cette Terre qui n’est plus qu’un lieu de misère et d’abandon.
Dans et hors de cette planète tiers-mondiste, Yoss nous entraine à la suite de sept personnages qui, chacun a leur manière, ont choisi un chemin pour fuir ce lieu de misère.

Tous les chemins que nous connaissons y sont représentés, la prostituée à la recherche du client-visa ; l’artiste qui espère un contrat lointain ; le sportif à la recherche d’un contrat hors de la planète. On y retrouve même des boat people, fabriquant de bric et de broc un vaisseau spatial, en toute illégalité.

Planète à louer est une œuvre triste, résignée presque, qui nous conte ce que vivent les cubains depuis les années 90, du propre aveu de l’auteur d’ailleurs. En fait de livre choral, ce livre est un recueil de nouvelles, concaténées les unes aux autres par une rencontre ou une amitié passée. Chacun des 7 personnages en a croisé au moins un autre à un moment de sa vie, par hasard ou pour de bonnes raisons. Chacun d’eux nous confie les raisons de sa fuite, les sacrifices qu’il a consenti, et jusqu’où il est prêt à aller pour échapper à sa planète mère devenue une prison insupportable. Même si on ressent dans la fin de certains récits une touche d’espoir, tout cela reste terriblement amer et, hélas, réaliste en diable.

Le style est bon, bien que classique, avec parfois quelques longueurs, mais dans l’ensemble c’est un bon livre. On en ressort avec le sentiment de mieux comprendre les immigrants qui fuient une vie qu’on leur a volé. On en ressort avec un frisson en ce disant que les années 90 ne sont pas finies, qu’elles ne finiront jamais dans certains pays et que la confiscation des terres par la pieuvre capitaliste venue d’ailleurs ne sème que désespoir et amertume.

On regrette juste, à tort ou à raison, que le témoignage ne cède à aucun moment la place à la critique ou au brulot politique, bien que ce soit, de son propre aveu, une volonté de l’auteur.

Si je devais conclure, je dirais qu’il faudra juste éviter de lire Planète à louer un soir de déprime, ca pourrait vous être fatal !

Hugues

Extrait :

Pour rétablir l’équilibre écologique perturbé, les nouveaux maitres de la planète avaient dicté des mesures draconiennes : aucune consommation de combustibles fossiles ou nucléaires, démantèlement des grands centres industriels et scientifiques, croissance démographique nulle. Il y avait eu des manifestations massives, étouffées dans l’œuf. Les morts, dans le monde entier, avaient atteint le quart de million de personnes.
Moins d’un siècle plus tard, la terre était redevenue le paradis naturel qui avait vu naitre l’homme. Elle était maintenant un grand musée, le tourisme étant la principale-et presque unique-source de revenus pour ses habitants. Un tourisme contrôlé par la quasi omnipotente Agence Touristique Planétaire, avec de grands investissements de capitaux extraterrestres et une préoccupation profonde pour le futur de l’homo sapiens. Devant les êtres humains, s’ouvrait un avenir lumineux sous la bienveillante tutelle d’une communauté galactique qui leur offrirait, un jour, une place en tant que membre à part entière.

Planète à louer
Planète à louer
de Yoss - Éditions Mnémos - 272 pages
Traduit de l'Espagnol (Cuba) par Sylvie Miller