Chaque jour a son poison et, pour qui sait voir, son antidote.

C Bobin nous parle donc de la présence de Dieu, du paradis qui sont partout. Dans une meringue aussi légère qu'un nuage ou un chat noir au milieu de pissenlits jaune ou comme cette "main d'une brise qui rebrousse le duvet sur le ventre d'un moineau." Il y aurait bien d'autres sortes de paradis : venir en aide à quelqu'un et lire un livre.

Il n'est pas étonnant que l'écriture et la lecture soient indispensables à l'auteur. Il m'a fait l'effet d'être comme ces Solitaires de Port-Royal  tout à leur travaux d'écriture et de lecture pour découvrir un monde meilleur. Au milieu de ces ruines du ciel, on croisera des anges bien particuliers : Pascal, Bach, Jean Genet, La Callas ou un clochard en gare du Nord.

On aura compris que cet ouvrage n'est pas un roman, ni réellement un journal mais une suite autour de Port-Royal, ses personnages emblématiques comme Angélique Arnauld, abbesse des lieux voués au silence, représentant la seule résistance au pouvoir tout puissant de Louis XIV. "Ce bouton de fièvre qu'il grattera jusqu'au sang". On notera aussi la version de la sainteté de l'auteur c'est juste de ne pas faire vivre le mal qu'on a en soi.

Et puis si l'on est peu porté sur les choses de la religion (Dieu, le paradis…) on peut ne retenir que cette beauté du monde qu'en général on ne voit pas.

J'ai écarté le rideau. Le rouge-gorge dans le jardin m'a regardé avec cet étonnement pur qu'il y avait dans ses yeux noirs. J'ai laissé retomber le rideau. J'en avais assez vu pour la journée.

Sur les livres et les bienfaits de la lecture, chacun trouvera son bonheur ou une idée en partage. Comme :

Il y a toujours dans un livre, même mauvais, une phrase qui bondit au visage du lecteur comme si elle n'attendait que lui."

Là on ne peut être que d'accord. Ou bien,

La vie a besoin des livres comme les nuages ont besoin des flaques d'eau pour s'y mirer et s'y connaître.

Le temps d'une lecture, on est si loin de ce réel que gouverne l'argent.

C. Bobin évoque également la mort, celle qui fait tant peur, si indissociable de la vie qu'il magnifie avec ses mots. "La mort nous prendra tous un à un, aussi innocemment qu'une jeune fille cueillant une à une les fleurs d'un pré."

Alors cueillons les beautés de chaque jour autant que possible. "Regardons les miracles que nos prétentions négligent". "La vie n'attend que nos yeux pour connaître son sacre".

En ce début de printemps, rien de tel qu'un Sacre façon Christian Bobin.

Dédale

Du même auteur : Geai, La présence pure, L'inespérée, La Dame blanche, Isabelle Bruges, Carnet du soleil, L'homme-joie.

Extrait :

Les pissenlits se multiplient devant la maison comme les notes dans les Variations Goldberg de Bach : d'abord quelques-uns, isolés, timides, et soudain une chaude pluie d'or partout sur l'herbe verte.

Les livres sont des cloîtres de papier. On peut s'y promener jour et nuit. Le jardin au centre des cloîtres symbolise le paradis. Avec le temps je suis devenu jardinier au paradis, passant chaque matin un râteau d'encre sur une étroite terre de papier blanc. Il importe que tout soit harmonieux : le paradis n'est pas fait pour qu'on y vive mais pour qu'on le contemple et que, d'un seul coup d'œil sur lui, l'âme soit réconfortée.

Je n'arrive pas à bout de la sixième sonate pour violon et clavecin de Jean-Sébastien Bach : dès les premières notes un oiseau fabuleux jaillit d'un buisson et je n'écoute plus rien, je reste avec la merveille de cette apparition.

Je demande à un livre qu'il me donne du courage et ne me trompe sur rien.

Les ruines du ciel
Les ruines du ciel de Christian Bobin - Éditions Gallimard - 192 pages