À peine ont-ils le temps de réaliser ce qu'ils ont sous leurs yeux que le téléphone portable sonne : le tueur leur demande d'enregistrer leurs excuses puis de se débarrasser du corps. A partir de là, nos quatre Berlinois vont se retrouver pris au piège, empêtrer dans les mailles d'un filet soigneusement préparé par le tueur. Et s'ils pensaient avoir vécu le pire au cours de cette soirée, ils comprendront que ce n'était que l'avant goût du plan machiavélique.

Les éditions Sonatines ont décidément le nez creux : après R. J. Ellory et Jesse Kellerman, voici donc leur nouvelle découverte, et quelle découverte ! Zoran Drvenkar est déjà très connu outre Rhin et a publié de nombreuses pièces de théâtre, poèmes  ou roman de littérature jeunesse. D'ailleurs les éditions Gallimard avaient publié il y a déjà quelques années Le gang des culottes courtes, un récit drôle et enlevé pour les bambins de  9 ans et plus.
Cette fois, c'est avec un thriller qu'on le découvre réellement en France, roman qui a d'ailleurs été élu meilleur thriller de l'année 2010 en Allemagne. Et en se plongeant dedans, on comprend pourquoi. Zoran Drvenkar n'a pas seulement soigné l'intrigue mais toute la construction narrative de son récit en jouant sur les flash-back et les focalisations internes ou externes.

Le premier chapitre plonge immédiatement le lecteur dans l'ambiance : le narrateur s'adresse au tueur en le tutoyant, ce qui place évidemment ce dernier dans la peau du meurtrier. Sensation troublante mais intéressante car on s'interroge forcément sur l'identité de ce « je » et de ce « tu ». Ponctuellement, au cours du récit, on retrouve cette focalisation interne qui nous laisse appréhender un peu plus la psychologie du narrateur et du meurtrier. Dans les autres chapitres, les plus nombreux, Zoran Drvenkar utilise la focalisation externe en se concentrant à chaque fois sur l'un des membres du quatuor. Là encore, construction intéressante car elle permet à chacun des personnages d'exister pleinement et met en avant la complexité des motivations de chacun.

Car au-delà du thriller efficace et redoutable, Zoran Drvenkar propose également une réflexion plus large sur la culpabilité et ses conséquences. Enfin j'ai apprécié l'absence de manichéisme et la fragilité des frontières entre les victimes et les bourreaux qui rend  l'intrigue plus intéressante et trouble. 

Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu un thriller de cette facture : aussi prenant que bien écrit. À découvrir sans hésitation.

(D'autres avis, ailleurs dans la blogosphère : Virginie et Cuné)

Laurence

Extrait :

(1er chapitre)

[...] Il est temps de se quitter. Tu lui indiques où elle doit regarder. Elle veut détourner la tête. Tu savais qu'elle le ferait. C'est logique. Alors tu t'approches d'elle et tu places le deuxième cloi sur son front. Il est plus grand, quarante centimètre de long, et porte un nom spécial, que tu n'as pas retenue. À la quincaillerie, l'homme te l'a dit deux fois et tu l'as remercié. Elle se fige lorsque la pointe touche sa peau. Ses yeux te parlent. Te disent que tu ne feras pas cela. Te l'ordonne. Tu secoue la tête. Alors elle plisse les yeux. Tu es surpris, tu t'attendais à plus de résistance. À ce qu'elle te donne d'autres coups de pied, à ce qu'elle se défende. […]

Sorry
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de Zoran Drvenkar - Éditions Sonatines - 450 pages
Traduit de l'Allemand par Corinna Gepner