Will n'y vient pas par hasard. Dans le coffre de son véhicule, un cercueil contient le corps de son frère, récemment décédé. Will ne parle à personne de ce qu'il transporte, et lorsque son chargement est découvert, il souhaite garder cela secret. Car Amy ne serait pas forcément heureuse d'héberger contre son gré un macchabée. Mais aussi car c'est justement à cause d'Amy qu'il a amené ce cercueil au cœur du désert.

Dans ce roman, Arnaud Cathrine parvient à créer une atmosphère, celle d'un bar presque déserté, où il n'y a pas que la poussière pour rendre visite aux habitants du lieu. C'est une forme de western moderne, évoquant notamment Ennio Morricone pour le décor. Pourtant, le cadre n'est pas l'unique atout du roman, car les liens entre les personnages sont primordiaux. Ceux entre le mort, le frère de Will, et Amy, la tenancière du bar. Mais également entre Will et son frère, car le périple qu'il impose au cercueil n'est pas sans lien avec leur enfance commune, tumultueuse et destructrice.

La narration ajoute à ce mélange des genres, très réussi, celui des voix. Celles de Will et de Singer se succèdent, pour dévoiler chacune de nouveaux éléments de l'intrigue. Ajouter à cela quelques enregistrements relatant les confessions de Will sur son enfance, et vous avez un roman à la  construction très intelligente, qui navigue entre inspiration du far-west et drame familial. Un roman qui annonce certains thèmes récurrents de l'œuvre d'Arnaud Cathrine : polyphonie pour la narration, relations fraternelles difficile, paysage et personnages désolés.

Du même auteur : Nos vies romancées, Les choses impossibles, La vie peut-être, Les vies de Luka, Sweet home, La disparition de Richard Taylor

Yohan

Extrait :

Lorsque j'ai frappé à sa porte, Will n'a pas répondu. J'ai regardé à travers la vitre, la chambre était vide. Je suis entré et je l'ai appelé. Personne. Amy déteste ce genre de pratiques - "atteinte à la vie privée des clients" ; très solennel pour trois clients l'an.
Il avait déjà sifflé la mignonnette de bourbon. Le sac n'était pas débarrassé.
Je suis entré dans la salle de bains. Il dormait dans la baignoire, la tête appuyée sur le rebord de faïence. Il tenait entre ses doigts jaunes une cigarette réduite en cendres.
Il a ouvert les yeux. Je me suis senti con avec mon désinfectant et mon éponge.

La route de Midland
La route de Midland de Arnaud Cathrine - Éditions Points - 149 pages