Sur sa chaise, Marco s'installe. En face de lui, Norma-Jean. Belle, intelligente (elle est professeur de philosophie à l'université), elle lui rend visite toutes les semaines à Sollicciano, la prison de Florence. Mais comment Norma-Jean en est-elle arrivée à venir régulièrement au parloir, à attendre impatiemment que Marco bénéficie d'une permission de sortie ? C'est ce que le lecteur découvre au cours de ce passionnant roman, labyrinthe qui conduit le lecteur dans les méandres de cette étrange histoire.
Norma-Jean. Comment ne pas penser à Marilyn et à son destin tragique. Comment imaginer une vie simple pour une femme au prénom si évocateur ? Alors, est-ce finalement si surprenant d'apprendre qu'elle vit avec Jean, son ancien psychanalyste ? Que Marco est un de ses anciens étudiants ? Et qu'elle au cœur des querelles entre Jean et son meilleur ami, Karl ?
Difficile de dire beaucoup plus sur ce roman que ces quelques interrogations sans réponse. Car la construction du récit repose sur ces blancs, ces trous dans l'histoire, qui ne seront comblés que petit à petit, de manière parfois inattendue. Se succèdent des scènes très différentes, allant d'un bateau convoyé dans un port du sud à une installation à Empoli, ville désolée de Toscane. Tout cela sur fond de drame, celui qui va mener Marco de l'université aux quatre murs de la prison.
C'est un vrai plaisir de découvrir cette histoire, de se laisser guider par la plume de l'auteur, qui nous embarque à chaque chapitre à un nouvel endroit inattendu. Ce billet sera volontairement court, car je ne vois rien d'autre à ajouter, si ce n'est de vous inviter à découvrir ce très bon roman.
(Les avis des autres membres du jury des Biblioblogueurs en suivant ce lien et ceux du jury des lecteurs dans les commentaires du billet)
Extrait :
Norma-Jean dormait lorsque Jean rentra de son dîner avec Karl. Dans deux heures il ferait jour. La lune presque pleine passait la chambre à la chaux. Jean hésita à aller se coucher dans la pièce d'à-côté. Il souleva le drap et se glissa près de Norma-Jean, veillant à laisser entre son corps et le sien une pellicule d'air de quelques millimètres, une membrane qui, les séparant, garantissait leur union. Il ne toucha sa femme que pour dégager de son visage une mèche de cheveux prisonnière de ses lèvres humides. A ses pieds, il sentit le contact d'une feuille et reconnut le craquement du papier journal. Il s'en étonna, Norma-Jean ne le lisant jamais, mais il devait s'agir d'un gratuit qu'on lui avait tendu à l'entrée du métro, elle avait dû y lire son horoscope, la météo,... Pour une fois, elle s'était endormie si rapidement que le journal était resté là. Et si elle s'était endormie si vite, c'est qu'elle s'était sentie bien ce soir-là, sécurisée malgré son absence.
Sollicciano de Ingrid Thobois - Éditions Zulma - 224 pages
Commentaires
jeudi 10 novembre 2011 à 10h42
Ce roman m'a l'air bien intrigant! à chercher d'urgence à la Bibliothèque!
mercredi 18 avril 2012 à 17h33
j'ai très envie de le lire
dimanche 17 juin 2012 à 15h47
Tout le charme, ambigu et un brin vénéneux, de ce superbe roman, me semble provenir de la difficulté persistante qu'a le lecteur à cerner la personnalité des personnages et la nature exacte des relations qu'ils entretiennent. D'où le terme "puzzle" contenu, je crois, dans la quatrième de couverture : chaque pièce a sa place, mais où et quand ? Voilà la délicieuse question. L'écriture, sobre et précise à la fois, élégante tout le temps, est à la hauteur de l'enjeu. Un très beau roman, lu avec gourmandise. Une auteure talentueuse à suivre.
jeudi 21 juin 2012 à 11h57
Mon deuxième coup de coeur après "Assommons les pauvres". Oui Yohann, c'est un roman intrigant et passionnant car on ne sait jamais où on en est avec les personnages, même secondaires, et les retournements de situation,souvent en miroir sont délectables. L'écriture, très maîtrisée,ajoute au charme de l'ensemble. Ingrid Thobois,une auteure à suivre donc,que pour ma part j'aurais aimé voir figurer au palmarès.
jeudi 21 juin 2012 à 12h00
J'ai éprouvé un réel plaisir à lire ce très beau roman court mais dense, où le sens du détail est prégnant et le scénario minutieusement construit.
Le lecteur progresse sûrement dans cette histoire dont la complexité éclate soudainement, laissant apparaître la profonde fêlure dont souffre Norma-Jean.
Est-ce seulement le désir d’amour qui réveille ses blessures si profondément enfouies dans son inconscient ?
« La vie peut se résumer à une chute de tissu plus ou moins large, imprimée de motifs qui sont nos seules éternités » (énonce-t-elle dans son cours de philo).
jeudi 21 juin 2012 à 18h09
Un véritable coup de coeur pour moi que ce roman. Une écriture délicieuse, élégante, sinueuse mais d'une grande simplicité et une construction très maîtrisée. Je garde plein d’images en tête, sans forcément me souvenir du lien entre elles, mais c'est tout le sel de ce roman. A relire sans doute ! Je regrette aussi que Sollicciano n'ait pas figuré au palmarès.
samedi 23 juin 2012 à 12h36
Un brin en retard, je vous fournis ma propre lecture de ce roman, qui m'a clairement mise sur des chemins que je n'aurais jamais arpenté. Il a été pour moi extrêmement dérangeant. La qualité littéraire reste indéniable, et la structure très bien pensée ! La totalité de mon point de vue en suivant ce lien.
samedi 23 juin 2012 à 13h15
Après relecture je confirme que ce "Solliciano" était un de mes livres préférés de la sélection. Intrigant, pas facile dans sa structure, mais diablement intéressant néanmoins. Et puis j'ai eu la chance de rencontrer Ingrid Thobois à la "Comédie du Livre" à Montpellier, et cette jeune femme est passionnante. Elle a tout un univers à elle. J'avais déja lu d'elle "le roi d'Afghanistan ne nous a pas marié" et comme Martine R, avec "Sollicciano" je confirme que son écriture est très dense et très intéressante. A suivre dans l'avenir pour moi.
mardi 19 février 2013 à 14h46
Mieux vaut tard que jamais...
Je viens de lire "Sollicciano" et je me suis retrouvée en tous points dans les ressentis et propos développés par Rhi-Peann dans sa page mise en lien.
Cependant, séduite par la forme narrative et la capacité de l'auteur à faire passer les troubles de ses personnages au lecteur qui, captivé, est finalement embarqué dans les méandres de la folie douce (même s'il doit se cramponner au bord pour ne pas s'y perdre au fil de l'eau) ; je vais poursuivre ma découverte de son oeuvre avec le "Le roi d'Afghanistan..."