Ce soir-là, j'étais fourbue, fatiguée, la tête déconnectée de mon corps. J'ai ouvert ce dernier ouvrage de Jeanne Benameur car j'aime le travail de cette romancière. Mais j'étais un peu inquiète car il s'agit ici de poésie. Or, c'est un genre très exigeant puisqu'il faut, au-delà de la maîtrise, réussir à émouvoir le lecteur. Non pas cette émotion dévoyée et facile qui consisterait à choisir des sujets larmoyants. Je parle de cette émotion qui naît de la beauté du verbe, de sa nudité ; une émotion qui nous prend aux entrailles et nous met en mouvement ; ce moment rare où les mots nous remplissent et nous réconcilient avec nous mêmes.
Voilà exactement ce qui s'est passé quand j'ai ouvert ce petit livre. Le temps de ma lecture, j'ai retrouvé mon corps et ma respiration. Je l'ai dégusté une première fois, en prenant le temps que chaque image me nourrisse, que chaque mot résonne/raisonne. Et puis, la dernière page tournée, j'ai recommencé ma lecture. En prenant encore plus de temps cette fois. Laissant les blancs entre les mots prendre tout leur sens. Fermant les yeux après chaque phrase, comme si elle était un tout, un ensemble. La tournant et la retournant dans ma tête, non pas pour l'intellectualiser - surtout pas - mais pour la ressentir, pour que mon corps la lise à son tour. Puis rouvrir les yeux et savourer la phrase qui suit. Et chemin faisant, le sommeil m'a pris avant que je n'arrive au terme de cette seconde lecture, pour une nuit de paix et de douceur.
Cette parenthèse m'a fait un bien fou et il faut être un peu magicienne comme Jeanne Benameur pour permettre avec de simples mots que le corps et l'esprit retrouvent cette harmonie indispensable. Notre nom est un île me fait penser à ces diamants, ces pierres si minuscules qui ont pourtant une valeur inégalée et que l'artisan cisèle pour que le commun des mortels puisse en voir toute la beauté. Un livre au format poche, à garder tout près de soi, pour se ressourcer quand la vie bat trop fort.
Du même auteur : Profanes, Une histoire de peau, Laver les ombres, Les demeurées
Laurence
Extrait :
Debout
Tout est à lire
Nous sommes dos au mur
La peau contre la pierre
que sentons-nous donc battre
du sang ou du silence
l'espace est si mince
entre l'os et le mot
Notre nom est une île de Jeanne Benameur - Éditions Bruno Doucey - 59 pages
Commentaires
dimanche 20 novembre 2011 à 21h32
J'ai toujours eu une attention particulière pour les livres de Jeanne Benameur.
Je l'ai découverte avec "les demeurées" et puis j'ai continué avec "Un jour, mes princes sont venus", "Laver les ombres" et "Les mains libres".
Mais je ne la connaissais pas en tant que poète. Ce "Notre nom est une île" m'a donné envie de la découvrir dans cet autre genre, merci pour ce billet qui nous en transmets l'envie de l'ouvrir.
mardi 29 novembre 2011 à 15h36
heureux de vous connaître. j'aimerais bien lire votre livre "notre nom est une ile" mais nous avons toujours pensé que notre nom est un continent