L’intrigue se déroule donc en plusieurs lieux et à trois époques différentes :Rome et Pompei sous les empereurs Néron et Vespasien, la Vézelay médiévale ou on assiste à la naissance du culte de Sainte Marie-Madeleine,et les champs de fouilles de Pompei et Vézelay aujourd’hui. Le lien de tout cela ?
Cette fameuse « parole perdue » qui hante Romane et que depuis des siècles d’aucuns s’acharnent à retrouver. Les deux auteurs conduisent ce thriller historique avec un savoir-faire certain et beaucoup d’aisance. Si l’enquête policière proprement dite (recherche de l’assassin des archéologues) n’est pas très passionnante, la reconstitution de la vie à Rome et à Pompei sous Néron, l’évocation des premiers chrétiens, de leur foi confrontée aux cultes et philosophies dominants, la description des derniers jours de Pompei sont très réussis. La figure de Livia, jeune esclave chrétienne d’abord au service d’une riche matrone romaine, puis à celui de son neveu philosophe stoicien à Pompei est particulièrement émouvante.
Intéressantes aussi sont les parties du roman consacrées au Moyen-Age chrétien : on y apprend de façon très concrète comment se fabriquait le culte des Saints à partir de documents et d’ossements naturellement faux ceci pour la plus grande gloire de Dieu, et en particulier le culte de Marie-Madeleine qui permettra l’essor de Vézelay au grand dam de l’abbaye de Cluny.
Bref, une lecture agréable et instructive, sans que ne pèse trop lourdement l’érudition des auteurs, ou l’on retrouve avec plaisir tous les ingrédients qui font le sel du suspense.
Du même auteur : L'oracle della Luna
Marimile
Extrait :
Maîtresse et esclave se sont tant habituées l’une à l’autre qu’une subtile forme de connivence s’est instaurée entre elles. A la position de sa maîtresse dans le lit le matin, Livia sait de quelle humeur elle sera au réveil, et il suffit à Faustina de sentir un instant les mains de son esclave sur sa peau pour deviner que Serva est la proie de tourments qu’elle refuse de lui confier sur sa tablette de cire. A la différence de Livia qui connaît l’intimité de sa maîtresse, Faustina ignore la foi secrète de son ornatrix.
Lentement, Livia ôte le masque du visage de Faustina avec des linges imprégnés d’eau de rose, l’aide à se retourner et lui masse longuement le cou, les épaules, le dos, les jambes ,les pieds. Lorsqu’elle utilise ces huiles de prix aux ingrédients exotiques, notamment l’essence de nard la plus pure et la plus onéreuse, Livia songe à Marie de Béthanie qui en a oint Jésus. Alors ses gestes se font d’une douceur extrême et elle imagine qu’elle reproduit l’acte de la sainte, dont le mystérieux message résonne en elle . Alors elle oublie la contrainte, l’avilissement de sa condition, la honte de son métier que ses parents auraient jugé déshonorant, eux qui considéraient le luxe comme une corruption et réservaient l’usage des parfums et des aromates au seul culte de Dieu.
La parole perdue de Frédéric Lenoir & Violette Cabesos - Éditions Albin Michel - 420 pages
Commentaires
mercredi 23 novembre 2011 à 21h10
Il y a tellement de beaux livres à découvrir. Le Temps des Fêtes approche rapidement. J’en profite pour choisir les cadeaux que je vais offrir. Vous avez lu dans mes pensées... cette année j’offre des livres à ma famille et mes amis.
J’ai réfléchi à ceci : offrir des BD aux adultes et de petits romans légers au plus jeunes. Bien entendu, c’est une période de détente et je désire ouvrir l’imaginaire de ceux que j’aime. Qu’en pensez-vous ?
Merci pour votre blog.
dimanche 4 décembre 2011 à 17h54
J'ai beaucoup aimé ce livre et la technique des auteurs de mener de front l'(H)histoire au passé et l'(H)histoire au présent. On ne s'ennuie jamais.
Pour information, il y a une exposition à Paris en ce moment sur Pompéi, incontournable pour compléter le bouquin !
Dans le même style, si vous avez aimé "La parole perdue", vous adorerez "La promesse de l'ange" des mêmes auteurs, et qui se déroule au Mont Saint Michel, tout un programme....
Bonnes lectures à tous !
lundi 5 décembre 2011 à 14h38
Juliette,je suis contente que vos ayez apprécié cet ouvrage, si bien documenté en ce qui concerne la vie à Pompéi en particulier. Personnellement j'avais moins aimé La Promesse de l'Ange. La faute n'en était pas au Mont-Saint Michel, dont la formidable présence est mise en valeur,qu'au personnage de l'héroine et de ses amoureux,qui m'avaient semblés peu convaincants! "Faire un roman",j'ai eu l'impression que vous aviez aimé le livre, mais surtout que vous appréciez ce Blog. Tant mieux!
vendredi 26 octobre 2012 à 17h11
Je termine à l'instant "La Parole Perdue". Je vais, du coup, feuilleter à nouveau sinon lire "La Promesse de l'Ange". J'ai lu ce dernier opus du duo LENOIR-CABESOS avec détachement, en appréciant l'évocation des lieux et des époques traversés par les évènements et péripéties du bouquin sans "marcher" à fond dans l'histoire. Désolé, sans doute suis je plus sensible au Mont Saint Michel qu'à Vèzelay. Néanmoins, j'ai lu le livre avec plaisir jusqu'au bout et je ne doute pas que nous retrouverons dans quelques semestres Johanna et sa fille sans oublier la présence tutélaire de Simon Le Meur qu'il sera, sans doute, difficile à estomper de la même façon. Quelque chose entre Notre Dame de Paris et Compostelle, par exemple ?