En lisant les premières pages de ce livre, on peut se dire que l'on tient entre ses mains une pépite. Jean Cagnard est un poète. Pas un poète qui fait des rimes, non, un poète qui fait entendre la langue française telle qu'on ne l'a jamais entendue. Par ailleurs, des éléments loufoques s'insèrent dans le récit et surprennent. Ainsi, par exemple, lorsqu'au cours de son périple, le voyageur passe près d'un cours d'eau, fatalement, son fils archéologue lui téléphone. Dans sa voiture, le fidèle compagnon du voyageur est une mouche. Une fois, le voyageur prend en stop un homme qui est son propre double qui mange de la terre. Ah oui, et des serpents tombent du ciel. Etc, etc, etc.

Le problème est que le récit s'essouffle très rapidement. Tout est tellement absurde et monotone. La surprise linguistique initiale lasse. On n'est plus étonné une seconde de relire une expression comme la femme de ma troisième vie. On se surprend même à espérer en avoir terminé avec cette lecture le plus rapidement possible pour pouvoir passer à autre chose.

Bref, une rencontre ratée.

Joël

Extrait :

Le serpent tomba du ciel au moment où je sortais de la boutique de la station-service. Comme une signature un peu violente des achats que je venais d'effactuer : une bouteille d'eau, un sandwich suédois, deux pommes. Rien qui nécessitât une intervention aussi spectaculaire. Quelques minutes plus tôt, le serpent était Dieu sait où dans le monde, peut-être entre deux pierres chaudes, à l'orée de la forêt voisine, plongé dans le lent et méditatif travail de la digestion et maintenant il était sur le macadem brûlant du trottoir d'une station-service d'autoroute, dérisoire et sans vie. Une sorte de gros lacet stupide. En quelques minutes, il avait changé d'immobilité et de réflexion. Il n'y a rien entre la vie et la mort.

Le voyageur liquide
Le voyageur liquide de Jean Cagnard - Gaïa éditions - 174 pages