Je ne dispose d'aucun enregistrement de la voix de ce baryton, mais Alain Fondary est associé à un de mes tout meilleurs souvenirs d'opéra. En 2008, l'opéra-ballet Padmâvatî d'Albert Roussel était joué au théâtre du Châtelet dans une mise en scène de Sanjay Leela Bhansali, le réalisateur du film Devdas. Alors âgé de 75 ans, Alain Fondary interprétait le rôle du sultan Alaouddin (qui convoite Padmâvatî, l'épouse de Ratan-Sen, Raja de Chittorgarh). Ayant assisté à trois des six représentations, j'ai donc vu trois fois Alain Fondary faire son entrée en scène à dos d'éléphant ! Le chanteur avait vaillamment interprété son rôle dans cette production très réussie qui me permit de découvrir la musique d'Albert Roussel.

Non exempt de maladresses, le style de Patrick Alliotte se cherche un peu au début du livre. Au bout d'un moment, on s'habitue néanmoins à ce que le héros se fasse appeler Nounours. Plus que sur sa carrière, le texte est centré sur la vie d'Alain Fondary avant qu'il ne monte sur les scènes d'opéra. Né dans une famille plutôt aisée, il apprendra d'abord le métier de souffleur de verre. Il développera de nouvelles techniques de fabrication qui permettront en toutes circonstances à l'entreprise familiale de satisfaire les demandes particulières, comme celles de l'Institut Pasteur dans le domaine médical.

Après avoir atteint un haut niveau en judo, Alain Fondary se lance dans le chant, qu'il pratique quand son travail lui en laisse le temps. On le voit se former auprès de divers enseignants et passer quelques auditions. Ainsi, une professeure surnommée Double-Croche l'aidera à améliorer sa connaissance du solfège.

La biographie aborde ensuite les années de carrière du chanteur. J'ai trouvé dommage que cette partie ne soit pas plus développée, et en particulier qu'elle s'arrête pour ainsi dire en 1989 avec la mort de Herbert von Karajan. Seuls les lyricomanes les plus âgés pourront retrouver des références à des spectacles qu'ils ont pu apprécier à l'époque. Il est toutefois savoureux de lire le récit de ses rencontres avec des chefs encore actifs de nos jours comme John Eliot Gardiner, Georges Prêtre, Michel Plasson ou de voir passer le nom de chanteurs comme José Van Dam ou Waltraud Meier. Incidemment, on apprend également quelques détails à propos des premières tentatives de jouer des opéras à Bercy (avec ou sans sonorisation !). Par ailleurs, on peut découvrir en lisant ce livre que Gilbert Bécaud avait composé un opéra : L'Opéra d'Aran.

Si j'ai plutôt passé un bon moment en lisant ce livre et que les premières parties au moins peuvent être intéressantes en dehors du lectorat lyricomane, que le texte ne couvre véritablement que la première moitié de la carrière du chanteur me semble très dommageable dans la mesure où l'évocation de l'ensemble de la période d'activité du chanteur aurait permis d'élaborer une réflexion sur les diverses mutations opérées par le monde lyrique (voir la biographie de Gerard Mortier pour plus de détails). La réflexion n'est pas absente de ce livre, mais j'aurais aimé qu'elle soit plus approfondie.

Joël

Extrait :

Paul, chargé d'espoirs, accompagne son fils à cette audition, avenue de Villiers. L'ambiance semble chaleureuse. Au piano, un certain Roger Lamare. Alain réalise alors qu'il a oublié la partition de la mélodie si bien préparée. Mais M. Lamarre est un grand professionnel, en passe de devenir chef de chant à l'Opéra : Quand un oiseau est blessé. Aucun problème, il connaît ça par cœur : « Dans quel ton le voulez-vous monsieur ? »
Tu parles si je savais !
« Dans celui qui vous plaira monsieur, je suis baryton ! »
L'inconscience fait la force du profane. Cette fois Alain sera baryton en mesure.

Alain Fondary, la voix du souffleur
Alain Fondary, la voix du souffleur de Patrick Alliotte - Symétrie - 141 pages.