Comment déjouer les verrous de non-dits quant ceux-ci portent l'empreinte d'un amour déchu et qu’en même temps l'auteur vous offre une déclaration d'amour à sa région, à son devenir...

10h30, vendredi 10 décembre 2004, Simon Dreemer s’était placé près de la fenêtre. Dans le train en provenance de Paris,  muté au SRPJ de Metz, pour sanction hiérarchique, le commandant Dreemer s’imprègne du paysage lorrain ainsi que des informations régionales, parmi lesquelles les manifestations contre l’ennoyage.

À son arrivée, le commissaire Kowalski l’accueille avec l’annonce de la découverte du cadavre d’une jeune femme dans la forêt.

Faisant équipe avec le lieutenant Jeanne Modover, une enfant du pays, ils vont devoir sonder, comme dans les mines, l’intériorité des personnages, afin de percer le mystère de ce meurtre ayant pour seul indice des brindilles, en forme de lettre, disposées auprès des corps.

Le décor est planté ! De jour en jour, d’heure en heure, Aline Kiner va égrener ces quinze jours d’avant Noël, qui nous inviteront à remonter le cours de l’histoire dont un certain 24 décembre 1944 où se trouve peut-être la clé de l’énigme ! Nuit durant laquelle Johann fut retrouvé pendu dans le cimetière de Varange, auprès de la statue du « Dieu Piteux » et du vieux chêne. Sur un écriteau au pied de celui-ci était tracée l'inscription suivante : La corde pour les collabos

Premier roman étonnant, tant par la maîtrise de l’écriture, avec des personnages attachants, authentiques, touchants,  que par l'attachement à l’histoire régionale avec ce délicat sujet des mines de fer et du drame de l’ennoyage. Aline, fille de mineur, a grandi en Moselle et en connaît bien les racines. Elle nous dépeint une Lorraine riche de part sa beauté sauvage mais aussi de par son empreinte religieuse…

Ce texte n’est pas seulement un polar… c’est plus qu’un polar ! 

Bénédicte
librairie Tirloy (Lille)

(Les avis des autres membres du jury des Biblioblogueurs en suivant ce lien et ceux du jury des lecteurs dans les commentaires du billet)

Extrait :

Le terrain s’était écroulé d’un coup, en une nuit. Un éboulement avait eu lieu dans la mine, dessous. Les boisages qui soutenaient le plafond des galeries avaient craqué, la terre et la roche s’y étaient engouffrées et le matin, le paysage n’était plus le même. On voyait une dépression où le terrain avait toujours été plat.
L’accident datait d’une dizaine d’années. Heureusement, plus personne ne travaillait dans ce secteur ; il n’y avait eu ni morts, ni blessés.
Louis venait là pour se rassurer. Il connaissait chaque relief de cette vaste cuvette, imperceptible à un promeneur inattentif. Elle dessinait un rond presque parfait, d’une centaine de mètres de diamètre, qui englobait la clairière et tout un pan de forêt. Il laissa son regard glisser au ras du tapis de feuilles, scruter la profondeur des ombres vers l’ouest et le sud, puis remonter le loin des troncs les plus proches. Rien n’avait bougé. Dieu merci.
[...]
Louis se sentait mieux. L’effet apaisant de la forêt agissait enfin. Mais le petit chien aboya de nouveau. Louis tendit l’oreille. Il percevait une intonation bizarre dans son appel. Un étonnement. De la peur ?...
Louis approcha.
La clôture avait été cisaillée, nettement, en deux endroits. Il se pencha pour y regarder de plus près. C’est alors qu’il aperçut la main. Elle sortait d’un fouillis de branchages accumulés dans la crevasse. Elle semblait flotter, gracieuse et diaphane, sur le bois noirci par le gel, comme la main d’une noyée sur une eau tranquille.

Le jeu du pendu
Le jeu du pendu
de Aline Kiner - Éditions Liana Levi Piccolo - 240 pages