Nagasaki, dans l'esprit du lecteur, évoque immanquablement la bombe atomique et ses destructions. Ici, rien d'aussi explosif et destructeur : c'est uniquement la présence inattendue d'un intrus dans son logement qui est la cause des soucis de Shimura-san.

Shimura-san vit seul dans son logement de Nagasaki. Maniaque, il a l'habitude de noter sur un carnet le niveau des bouteilles entamées après s'être servi. Son quotidien est bouleversé le jour où il découvre que le niveau est plus bas que celui qu'il avait noté. Pour être certain de ses craintes, il décide d'installer une webcam pour surveiller les allers et venues dans sa cuisine. Et ce qu'il s'attendait à voir se produit : il voit une petite femme se servir dans son frigo. Qui est-elle ? Comment est-elle entrée chez lui ?

La qualité de l'ouvrage tient au personnage de cette petite femme, arrivée dans ce logement car elle le connaît, mais surtout parce qu'elle n'avait pas d'autre endroit où aller. En s'installant dans une pièce très peu fréquentée par son hôte involontaire (la chambre d'amis, chez un homme qui ne reçoit jamais personne), elle a réussi à se reconstruire une vie, à ne plus avoir constamment peur du futur. C'est vraiment le personnage clé de cette intrigue, et ce court roman gagne en profondeur dans sa seconde moitié, lorsqu'il quitte Shimura-san pour se concentrer sur la femme. Car Shimura-san ne semble pas éprouver beaucoup de sentiments, que ce soit par rapport à sa solitude ou au traitement qu'il inflige à son hôte, sans la connaître. Un petit drame du quotidien, aux conséquences intimes importantes, que l'écriture retenue d’Éric Faye rend assez bien.


Du même auteur : L'homme sans empreintes

Yohan

Extrait :

Je m'isole à mon poste de travail. Les collègues me croient absorbé dans l'étude des photos satellite reçues en fin de nuit ; c'est que je suis, comme eux, météorologue. Une fois l'ordinateur connecté et les programmes lancés, je consulte chaque matin les dernières cartes et rapports envoyés par les stations. Puisque aujourd'hui rien n'exige que je me mette à la rédaction d'un bulletin d'alerte ou à  quelque autre tâche urgente, j'ouvre une fenêtre en bas de l'écran, à droite. En quelques clics, j'active le piège. C'est fait. Comme par miracle apparaît la paix d'une cuisine où, tout à l'heure encore, je prenais le petit déjeuner. Tout semble tranquille. 

Nagasaki
Nagasaki
d'Eric Faye - Éditions Stock - 112 pages