Dès les premières pages, le ton de l'intrigue est donné. Thomas est emmené les menottes aux mains et sa mère (comme le lecteur) ne comprend ni comment ni pourquoi son fils suit les policiers. On ne sortira jamais du village où vivent Thomas et ses parents, un village entouré d'une forêt qui donne la matière première pour la scierie où travaille William. Plus que l'histoire de Thomas et de sa famille, c'est l'histoire de ce coin d'Amérique perdu dans les bois qui intéresse Cécile Coulon. Car Thomas est un jeune comme tant d'autres : il rêve de suivre les traces de son père et ne comprend pas les failles de ce dernier.
Car si tout semble lisse dans les habitations du village pris en charge par le docteur O'Brien, les apparences sont trompeuses. Dans le village voisin, on apprend qu'un crime affreux a été commis, un pur acte de jalousie. On découvre ce qui ronge William, ces fiches vertes qu'il a dû manipuler et qui recensent les crimes plus ou moins violents du voisinage. Mais c'est aussi le silence, le conformisme qui est la cause des drames plus ou moins quotidiens.
Pour Thomas, les raisons de sa chute sont multiples : l'image dégradée du père, mort d'une blessure à la main ; une trahison amicale pour lui qui ne souhaite pas s'encanailler avec les jeunes de son âge ; un échec amoureux avec celle que ses proches lui destinaient. Un cercle infernal se referme autour de Thomas. Comme le lecteur qui ne sort pas du village, Thomas ne sortira pas de ce cercle qui se ressert.
L'intrigue est haletante, courte et dense à la fois. Le tout est porté par une écriture tout à fait originale et évocatrice, qui renvoie aux grands auteurs américains. C'est un ouvrage parfaitement maîtrisé, à la fois sur le plan de l'intrigue et de l'écriture. Un vrai tour de force, surtout lorsqu'on sait que Cécile Coulon en est à son quatrième ouvrage à seulement 22 ans ! C'est indéniablement une plume qu'il faudra à suivre dans les années à venir.
Pour information, Cécile Coulon viendra parler de ses ouvrages le jeudi 12 avril à 18h dans notre librairie partenaire, la librairie Tirloy à Lille. J'y serai !
Autre roman de Cécile Coulon : Méfiez-vous des enfants sages
Extrait :
Pendant des années, William Hogan avait fait partie de la troupe. Puis il avait dirigé une petite équipe de six ouvriers, amis depuis l'école maternelle. Ces types avaient grandi ensemble : des plantes dont les racines s'entrelacent et ne peuvent jamais s'arracher les unes des autres. Puppa n'échappait pas à la règle. Ses poings avaient cogné les mêmes visages, fait trembler les mêmes épaules. Il ne savait pas à quoi ressemblaient la mer, les trottoirs des villes et les enseignes aux couleurs aveuglantes. Il n'avait jamais vu d'animaux tropicaux, il ne connaissait pas le goût des crevettes. Les autres non plus. Et ça ne les dérangeait pas. Ils vivaient de ce que qu'on leur avait montré dans leur enfance, attachés à leur terre telles de jeunes pousses à un sol humide. Ils n'avaient pas besoin du monde pour s'en sortir dignement. Ils en étaient fiers, ils l'apprenaient à leurs enfants, qui, à leur tour, l'enseignaient à leur progéniture.
Le roi n'a pas sommeil de Cécile Coulon - Éditions Viviane Hamy - 150 pages
Commentaires
mardi 3 avril 2012 à 21h12
Cher Yohan,
je viens également de lire ce roman ; avec difficulté : il m'est quasiment tombé des mains. Ce n'est pas que l'auteur n'y déploie une certaine habileté, mais tout m'a paru cousu de fil blanc et, surtout, peu authentique. On veut écrire comme les maîtres du roman américain, on rêve de faire penser à Steinbeck, entre autres, mais tout cela sonne comme un pastiche un peu vain, dans une forme désuète. La littérature française a produit Nathalie Sarraute, Claude Simon et tant d'autres : pour quoi aller singer une écriture qu'on ne pratique d'ailleurs plus aux Etats-Unis ? Le singe est sans doute savant, mais c'est un singe. Je suis sans doute excessif, c'est sûr ! Certains, comme toi, y trouvent leur bonheur et il est respectable, comme mon humeur, j'espère !
Bien à toi,
jnf
mardi 3 avril 2012 à 22h52
Bonsoir jnf,
bien entendu que toutes les humeurs sont respectables, tant qu'on reste dans un cadre respectueux (ce qui est le cas). J'ai pour ma part été assez sensible à cet ouvrage qui s'inspire des auteurs américains. C'est un exercice de style que j'ai trouvé réussi dans le sens où Cécile Coulon parvient à faire tenir son intrigue grâce à son écriture. Sur la copie des modèles américains, je n'ai pas été gêné par cet aspect (peut-être car j'ai une très mauvaise connaissance des modèles en question). Et justement, la littérature ayant produit Sarraute et Simon, pourquoi ne pas explorer des territoires désertés par les auteurs français.
Je suis toutefois content de lire ton avis, même s'il est négatif.
mercredi 4 avril 2012 à 22h58
La personnalité tourmentée de ce jeune homme est traitée avec force et mystère. J'ai aimé ce court roman et cet environnement américain.
vendredi 8 juin 2012 à 10h19
Bonjour,
Je viens de terminer ce roman et je dois dire que mon avis rejoint celui de JNF. J'ai rapidement été gênée par le style qui arrête, accroche la lecture à force de comparaisons (plus que de métaphores) bizarres et surtout trop présentes. Le champ lexical de la nature/animalité utilisé, non pour un passage ou un chapitre mais tout au long du roman m'a fait penser que j'avais plus affaire à un exercice de style comme vous dites, plutôt qu'a un livre écrit avec les tripes. Je me suis même demandée si l'auteure n'avait pas fait des listes d'expressions incluant des termes animaux/végétaux qu'elle avait insérés un à un dans son livre... bref. Je n'ai pas "cru" à cette histoire comme je "crois" aux histoires de John Steinbeck par exemple. Un livre trop fabriqué et pas assez authentique à mon goût.
Désolée pour les absences d'accents mais j'ecris depuis la Coree.
Cordialement
SM