Pour son entrée en terminale, Maxime avait tout ce dont peut rêver un garçon de son âge : de bons résultats au lycée, un smartphone flambant neuf, une guitare pour assouvir sa passion du punk et du funk et surtout Natacha, sa petite amie depuis quelques semaines.
Et pourtant, Maxime voit surtout tout ce qui cloche dans sa situation : une réputation de nerd qui lui colle à la peau, aucun lieu où pouvoir travailler et répéter ses compo et une relation amoureuse qui n'a pas dépassé le stade du chaste bisou... alors quand son portable tombe malencontreusement dans la fontaine, Maxime se dit que cette année scolaire commence vraiment très mal.

Comme dans le premier opus, la narration rétrospective se fait ici à la première personne. Au début du roman, Maxime nous avertit qu'il vient d'être arrêté par les douaniers au moment où il allait embarquer pour l'Eurostar avec Natacha pour les vacances de noël. Comment s'est-il retrouvé dans cette galère, c'est ce qu'il va nous expliqué pendant les 250 pages qui suivent.

On retrouve ici cette façon si particulière dont ce jeune homme perçoit le monde et ceux qui l'entourent. Avec beaucoup d'humour et de second degré, Maxime se raconte et n'hésite pas à se tourner en ridicule pour le plus grand plaisir du lecteur. Et puis, il faut dire qu'il a le sens de la formule notre ado ! Certaines de ses répliques irrésistibles ont déclenché chez moi des fou rires nerveux (au grand étonnement de ma voisine de train). Mais tout en savourant mon plaisir, je m'interrogeais sur le destinataire du journal de Maxime. En effet, de façon récurrente, Maxime ouvre des parenthèses et des notes de bas de pages qui semblent plus s'adresser à un public adulte qu'à un public adolescent.

Oui, bravo ! C'est Clovis ! La dame au premier rang marque un point. (ah bon, vous êtes prof d'histoire ? Ça ne compte pas alors.)

Un gimmick qui n'est finalement pas vraiment gênant et m'a permis, à moi l'adulte, d'entrer encore un peu plus dans l'univers de Maxime. Pendant la durée d'un trimestre pour Maxime, et d'un voyage en train pour moi, j'ai beaucoup ri et souri aux mésaventures de notre attachant adolescent.

Et pourtant, en fermant l'ouvrage, il me restait en bouche un sentiment de trop peu. Était-ce dû à cette fin qui n'en est pas une et annonce l'arrivée d'un troisième épisode ? Je ne crois pas. En fait, cela tient peut-être plus au fait que cet épisode ne dépasse pas vraiment sa légèreté apparente. J'aurais sans doute aimé retrouver ici la profondeur du premier opus, cette façon de traiter avec finesse des problèmes plus complexes qu'il n'y paraît. Le personnage de Gédéon était d'ailleurs l'occasion rêvée de le faire. Mais Anne Percin a fait le choix ici de ne pas s’appesantir et de rester dans un registre plus anodin. Mais puisque troisième tome il doit y avoir, on peut supposer que cet épisode intermédiaire était une récréation et que la suite des aventures de Maxime réuniront à la fois légèreté et profondeur. Une petite gourmandise savoureuse entre deux plats plus consistants.

Du même auteur : Comment (bien) rater ses vacances, Le premier été, Né sur X, Point de côté

Laurence

Extrait :

Malgré tout, la femme en face de moi me fixait un peu trop souvent, et j'avais beau tourner la tête dans tous les sens, nos regards finissaient par se croiser.
Or j'ai horreur de croiser le regard des gens, surtout par erreur.
J'ai donc fait ce qui me semblait le plus naturel pour justifier mon chantonnement et le battement de ma main sur ma cuisse. Machinalement, tout en regardant le noir de l'autre côté de la vitre, j'ai pris les cordons qui dépassaient de l'ouverture de mon sweat, j'ai palpé les écouteurs qui devaient se trouver à leurs extrémités et je me les suis fourrés dans les oreilles. Puis, j'ai glissé une main dans ma poche ventrale, comme pour allumer mon baladeur. Je n'avais pas l'intention d'écouter de la musique, juste d'en donner l'impression pour que ma voisine me considère enfin comme un jeune con de base, et non comme un échappé de l'asile Charenton*.
J'ai continuer à hocher de la tête en toute légitimité, comme si je suivais le rythme d'une super chanson qui déchire sa race. Jusqu'à ce qu'une idée me traverse l'esprit telle la comète d'Halley.
Ça faisait une semaine que je n'avais plus mon smartphone.

La vitre taggée et crasseuse du wagon me renvoyait mon image légèrement floue. Ce qui ne m'a pas empêché de saisir mon regard d'effroi dans la vitre. On aurait dit Le Désespéré de Courbet, je ne sais pas si vous voyez. Il ne me manquait plus que la main dans les cheveux. Si je n'avais plus de baladeur, je n'avais plus d'écouteurs non plus. Alors, qu'est-ce que j'avais bien pu fourrer dans mes oreilles ?
D'une main tremblante, j'ai tiré sur les cordons qui pendaient le long de mes joues. Le bouchon qui obstruait mes conduits auditifs a fait plop. C'étaient les cordons de serrage de ma capuche.
La femme en face de moi a regroupé ses affaires, le métro ralentissait. Avant de se lever, elle s'est penchée vers moi en souriant et m'a chuchoté:
- Je ne vous avais pas reconnu tout de suite, Maxime. Mais maintenant, je ne peux plus douter…
Et elle est sortie. C'était ma prof de français de collège.

* Ancien asile d'aliénés de la banlieue parisienne. On y soignait des trucs rigolos comme la masturbation ou « l'excès de joie », la plupart des internés étaient des femmes. Le marquis de Sade y est mort (ce qui n'a rien à voir avec les faits précédents).

Comment (bien) gérer sa love story
Comment (bien) gérer sa love story
d'Anne Percin - Éditions du Rouergue  - 252 pages