Joseph Kaplan vit à Prague. Fils, petit-fils d’une dynastie de médecins, orphelin, il vit seul avec son père depuis l’âge de 10 ans. C’est tout naturellement qu’il fait des études de médecine, se faisant remarquer par ses idées progressistes sur la régulation des naissances et la libéralisation de la contraception. Socialiste convaincu, il se met à dos et le cardinal et le grand rabbin de Prague. Il annonce à son père ne pas vouloir prendre la suite de son cabinet et ce dernier, craignant que les idées progressistes et révolutionnaires de son fils ne lui attirent les plus graves ennuis, l’expédie à Paris pour faire une spécialisation en biologie.

Paris 1936, autre planète Les noubas arrosées succédaient aux meetings incantatoires, les promesses de changer le monde et de mourir plutôt que de renoncer ne l’empêchaient ni de travailler, ni de danser jusqu’à l’aube, ni de se faire une multitude d’amis pour la vie. Il va y rencontrer entre autres Ernest, le chauffeur parisien de Carlos Gardel, son idole ; la guerre civile espagnole bat son plein, Ernest y part mais suite à ses excellents résultats, on propose à Joseph un poste à l’Institut pasteur à Alger. Quand ses amis lui font remarquer qu’il renonce à ses ambitions pour une belle carrière il leur répond qu’il ne servirait à rien de participer au baroud d’honneur, plein de grandeur et d’héroïsme mais inutile et suicidaire. Il continuerait la lutte à sa manière en Algérie.

1938, le voilà arrivé à Alger, la guerre est imminente et ce sera pour lui l’occasion de découvrir que la recherche certes est fondamentale mais que soigner l’être humain l’est tout autant. Les années passent, la guerre s’achève ; il se doit de rentrer à Prague bien qu’il soit sûr que son père ne soit plus là à l’attendre. Il est prêt il va s’engager…

Je vous laisse découvrir ce roman foisonnant qui à travers l’histoire d’un homme nous relate l’Histoire de l’Europe du 20ème siècle.

Un livre qui se dévore, un pur bonheur de lecture, amour, joie, fête, amitié malheur, deuil, en bref une vie avec un grand V.

Du même auteur : Le club des incorrigibles optimistes

Sylvaine

Extrait :

Quand Joseph repensait à Alger, la première impression qui lui venait à l’esprit était cette lumière d’or en fusion au moment où il avait ouvert la porte de la coursive, encore engourdi, le flash interminable d’un photographe invisible qui l’avait obligé à protéger son visage avec ses mains. Il sentit une odeur vanillée, une bouffée de chaleur l’éclaboussa. Il se demanda s’il y avait le feu, il n’y avait aucune panique, à peine le ronronnement de la grue qui déchargeait les régimes de bananes sur le quai affairé. Il écarta lentement les doigts pour s’accoutumer à cette incandescence, leva les yeux, aperçut un bleu de paradis originel comme il n’en avait jamais vu, ni à Prague, ni à Paris, balayé de toute impureté, chaleureux et chatoyant, un monument monochrome en suspension dont la seule fonction semblait de vous hypnotiser.
En cette fin de journée d’octobre 38, à l’âge de vingt-huit ans, il découvrit enfin le ciel et le soleil, regarda les docks en arcade montante comme une vague, et posé fièrement au-dessus, un jeu inextricable de cubes soudés par un architecte fou dévalant en cascade jusqu’aux immeubles éclatants qui défiaient la mer et il comprit ce que voulait dire Alger la Blanche.

La vie rêvée d'Ernesto G
La vie rêvée d’Ernesto G. de Jean Michel Guenassia - Éditions Albin Michel - 544 pages