Le roman jongle constamment entre ces histoires qui se rejoignent autour d'une même intrigue. La partie concernant la quête de John est assez réussie. Antonin Varenne réussit à construire un personnage hors norme, un marginal fils de hippie qui arrive à Paris en 4L et qui passe son temps perdu à tirer à l'arc, même en plein jardin du Luxembourg. Cette partie de l'histoire amène le lecteur à passer quelques nuits dans la cabane d'un gardien du parc, ancien taulard qui devient un appui indéfectible pour John.

L'un des moments les plus intéressants du roman est l'arrivée de ce gardien dans le village rural de John. Les petits verres bus à la terrasse du bistrot ou le transport en tracteur donnent un ton pittoresque à cette intrigue très noire. On plonge également dans le monde de la diplomatie, avec ce conseiller diplomatique devenu amant de Mustgrave.

L'autre pan de l'intrigue m'a paru plus obscure. Elle concerne la vie de Guérin, mis au placard pour une ancienne dont on découvrira les tenants et aboutissants à la fin du roman. Mais en ne donnant pas immédiatement quelques clés, Antonin Varenne m'a perdu. Je n'ai pas réussi à m'intéresser à la vie de ce flic et ce n'est qu'en découvrant les raisons de sa déchéance (tardivement, donc) qu'il prend un peu d'épaisseur et d'intérêt. Du coup, j'avoue avoir eu un coup de mou au milieu du roman, perdu dans une intrigue qui stagne un peu et la vie de ce flic qui n'a pour seul compagnon qu'un perroquet, vestige de sa mère décédée.

Fakirs est néanmoins un polar à l'ambiance particulière. Les morts sont soit des suicidés, soit des victimes collatérales, le flic est loin d'être un foudre de guerre et doit se battre autant, si ce n'est plus, avec ses collègues qu'avec ses enquêtes. Il existe donc indéniablement des éléments positifs dans ce roman, mais l'ensemble manque un peu de rythme.

Yohan

Extrait :

Guérin éjecta la cassette du magnétoscope, la glissa dans sa poche et quitta la pièce. Lambert, lampadaire sans ampoule, resta planté là. Guérin reparut dans l’encadrement de la porte.
– Tu viens ? On a du travail.
Il faillit dire « J’arrive » d’un ton guilleret, mais quelque chose l’en empêcha. Traînant des pieds, il s’en fut à la suite du Patron au long des couloirs. Il interrogea la silhouette devant lui, craignant d’y lire de la colère, mais n’y découvrit que l’éternelle fatigue dans laquelle le noyait son manteau. Un chien, et un maître qui n’avait plus besoin de laisse. Au contraire de Savane, il ne trouvait pas l’idée dégradante. Lambert y voyait plutôt une marque de confiance.
Le Patron avait passé l’éponge sans un mot, mais Lambert savait à quoi s’en tenir. La gentillesse n’était pas une qualité requise dans ce bâtiment. Il fallait même admettre, à long terme, son inutilité. La gentillesse, dans le coin, on s’en débarrassait le plus tôt possible, un peu honteux, comme d’un pucelage entre les jambes d’une vieille pute.

Fakirs
Fakirs d'Antonin Varenne - Éditions Points - Policier - 320 pages