Tout est là, consigné dans cette boîte noire. Presque trois années de données, de guerre, d'héroïsme, de pleurs, de victoires et de défaites.
Trois années de survie pour l'espèce humaine face à la plus terrible des menaces. Les machines. Intelligentes, évolutives, sans pitié.
Mais la guerre est finie et pendant que tout le monde songe à rebâtir, Cormac Wallace, dit Brightboy, tient à retranscrire ces données, pour ne pas oublier, pour laisser un témoignage, pour un dernier au revoir à ceux qui sont tombés.
Et pour ne plus jamais répéter les mêmes erreurs.

Tout le monde a peur de quelque chose. Mais aucune peur ne touche absolument tout le monde. Rien n'est commun au monde entier à l'heure actuelle. Excepté la technologie. Et c'est bien de ça qu'il est question ici. Avec ce roman, nous nous retrouvons face à une peur primaire car nous utilisons tous, à un degré plus ou moins important, du matériel technologique. Téléphone portable, ordinateur, voiture... Mais aussi ascenseurs, portes automatiques, instruments de navigation d'avion. Ou simplement ces drôles de poupées qui parlent, ou les jeux électroniques... Notre univers est soumis à la technologie.
Et si cette technologie se retournait contre nous ? Si une intelligence supérieure, pas forcément maléfique, mais juste eugénique, décidait que l'être humain est une menace pour ses semblables ?

Au cinéma, et dans la majorité de la littérature de genre, l'ennemi suprême vient d'ailleurs. D'une autre planète, une autre dimension. Dans ce roman, ce qui rend la menace palpable, c'est qu'elle se trouve à portée de main. Et c'est plutôt flippant.

Le roman que nous propose Daniel H. Wilson s'articule comme un recueil de nouvelles avec des personnages principaux récurrents et une construction chronologique. Depuis les premiers signes d'une manifestation hostile jusqu'à la destruction avérée de la menace, tout y est relaté sous forme d'épisodes marquants de cette Nouvelle Guerre. Etape par étape, les humains s'organisent, combattent, ripostent, font des découvertes majeures pour leur survie.
Et puisqu'il est impossible de raconter l'histoire de tous, l'action se focalise sur les quelques humains, ou groupes d'humains, qui par leur implication ou leur contribution vont changer le cours de la guerre. Le narrateur principal, Cormac Wallace, est de ceux-là.

Chaque épisode est présenté de la même manière. Une phrase clé en introduction. Puis un commentaire de Wallace afin de resituer l'épisode dans le contexte global de la guerre. Ensuite vient la narration en elle-même et enfin un dernier commentaire de Wallace pour conclure, donner une ouverture sur la suite, une nouvelle perspective, ou simplement à titre informatif sur la survie ou non des personnes impliquées.
Chaque épisode est différent dans sa narration car les données recueillies sont présentées comme venant aussi bien de sources audio que vidéo auxquelles se mêlent parfois les souvenirs de Wallace quand il a lui-même participé à l'action. Le tout est traité de manière directe, sans fioritures, la narration s'attachant à décrire les faits et leur contexte.
Mais on s'attache aux personnages. Leur détresse touche. Leurs peurs déteignent. Il est impossible de lâcher le roman jusqu'à sa conclusion.

Le style de l'auteur est très visuel, très cinématographique. Ce qui permet une immersion totale dans le roman. Les chapitres / épisodes sont courts. L'action omniprésente. L'alternance entre les situations des personnages ne lasse pas et au contraire accroît l'intérêt du lecteur. Ainsi, peut-être, que son implication dans la lecture. Ce roman est un vrai page-turner, une future référence dans les récits de science-fiction sur la guerre robotique.
Bien sûr, à la lecture, il est impossible de ne pas faire le lien avec d'autres films / livres plus anciens. C'était d'ailleurs une crainte que l'auteur n'arrive pas à se démarquer de ses prédécesseurs. Eh bien chapeau bas, car même si l'ombre de SkyNet plane sur le récit tout du long, à aucun moment l'auteur ne cède à la facilité en faisant des références à d'hypothétiques connaissances du lecteur.

Il s'agit ici d'un roman de science-fiction (ou d'anticipation ? Qui peut dire comment l'avenir évoluera...) magistral. Un roman sur la guerre robotique mais aussi sur l'humanité. Un roman qui parle de force et de failles, de courage, d'espoir, de peurs mais aussi de joies. Un roman captivant qui ne libère son lecteur qu'à la dernière page. Mais qui reste ancré longtemps dans la mémoire. A lire absolument !

Cœur de chêne

Extrait :

Je voudrais rentrer chez moi, me cuisiner un super repas et me sentir à nouveau humain. Essayer, au moins. Mais la vie des héros de la guerre défile devant moi sans répit.
Je n'ai rien demandé à personne et ce rôle ne me plaît pas, mais tout au fond de moi, je sais que quelqu'un doit bien se charger de raconter cette histoire. Raconter la révolte des robots du début à la fin. Expliquer comment et pourquoi tout a commencé, et comment tout s'est terminé. Comment les robots nous ont attaqués et comment nous nous sommes défendus. Comment nous avons souffert, car oui, putain, nous avons souffert. Mais raconter aussi comment nous avons résisté, rendu coup pour coup. Et comment nous avons fini par retrouver Big Rob en personne.
Les gens doivent savoir qu'au tout début, l'ennemi ressemblait à des trucs ordinaires : voitures, immeubles, téléphones. Plus tard, quand il a commencé à superviser lui-même la production des nouveaux modèles, Rob a conservé son allure familière avec des... des distorsions. Comme des personnes et des animaux issus d'un univers parallèle, façonnés par un dieu différent.
[...]
Alors voilà.
Voici la transcription générale des données recueillies dans le puits N-16, foré par l'Intelligence Artificielle Archos, l'entité qui a conçu, préparé et déclenché le soulèvement des machines. Le reste de l'humanité est déjà passé à autre chose. Les survivants reconstruisent. Mais moi, je prends encore un moment pour retranscrire l'histoire.J'ignore pourquoi, j'ignore si cela servira à quelque chose, mais je dois le faire. Quelqu'un doit le faire.

Robopocalypse
Robopocalypse de Daniel H. Wilson - Éditions Fleuve Noir - 438 pages
Traduit de l'anglais (américain) par Patrick Imbert