Bilbo est un hobbit. Un être légèrement plus petit qu'un Nain, dont les pieds nus sont recouverts d'une épaisse couche de poils. Ses oreilles sont légèrement pointues, il aime fumer la pipe et manger à satiété.
Les Hobbits sont également dotés d'un sérieux sens de l'humour, d'excellentes manières et d'un certain à-propos.

Bilbo, donc, est un hobbit. Ni le plus brave, ni le plus mauvais des hobbits, disons-le, mais il est fier de ce qu'il est. Et c'est par une belle matinée que tout bascule. En adressant la parole à un inconnu, juste par souci de politesse, il se retrouve embarqué dans la plus folle aventure qu'un Hobbit pouvait vivre. Car cet inconnu n'est autre que Gandalf, un magicien réputé dans la région pour ses exceptionnels talents d'artificier. Mais connu par ailleurs pour ses véritables pouvoirs.

Le lendemain, notre malheureux Bilbo se retrouve avec treize Nains et le magicien à l'heure du thé et toute la nuit puisque la discussion qui s'engage se poursuit fort tard.
L'objet de cette réunion ? Simplement l'aventure qui les attend : traverser des contrées dangereuses dans un périlleux périple pour rejoindre la Montagne Solitaire. Là, les Nains avaient un royaume et de nombreuses richesses. Mais ils ont été chassés par un dragon. Le plus puissant et le dernier de sa race. Smaug. Il s'agit ici de préparer l'aventure visant à reprendre le trésor au dragon.

Voici donc notre ami Bilbo, complètement assommé par la présence envahissante de ces bruyants individus, ahuri par ce qu'il entend, désespéré parce qu'il n'a guère le choix, partant le lendemain de sa maison sans chapeau ni mouchoirs, pour une aventure à laquelle il n'entend rien si ce n'est qu'elle peut lui coûter la vie.

Ce récit est l'histoire d'un aller et retour, ou comment un Hobbit de bonne famille et d'excellente réputation va tout risquer dans une aventure dont il ne sait rien sinon qu'elle va à coup sûr lui ternir sa réputation, sans doute lui causer d'innombrables problèmes mais surtout changer sa vie à jamais.

John Ronald Reuel Tolkien est un maître.
Un homme qui a consacré sa vie à l'étude et à la transmission des connaissances, celles des langues en l’occurrence, mais dont la majorité de nos contemporains ne retiendra que ses ouvrages de fiction. Comme philologue, amoureux des mots, il s'est passionné pour l'étymologie, l'évolution d'un mot d'une langue à une autre, d'une époque à une autre. Comme romancier, il s'est avant tout attaché à construire un univers dont le cadre pourrait servir à l'utilisation de langages inventés, son autre passion.

Mais avant tout ça, il est aussi et surtout un père et un mari. Un homme qui aime raconter des histoires et qui en invente pour ses enfants. Bilbo le Hobbit est l'une d'elles. Une histoire racontée lors de longues soirées, Tolkien assis sur son fauteuil, les enfants à ses pieds, sa femme guère loin et parfois un visiteur du soir venu s'ajouter aux auditeurs ravis.

Bilbo le Hobbit est avant tout un récit destiné aux enfants. Aux siens propres tout d'abord, puis à tous les enfants, car tous les enfants ont un jour rêvé de vivre des aventures, d'affronter des dragons et de récupérer le trésor. Qui plus est, accompagné par un magicien aux pouvoirs terribles et d'une bande de Nains... bref. d'une bande de Nains.
Le récit possède le charme légèrement désuet des contes pour enfants du début du siècle, avec cette atmosphère propre aux histoires narrées par un conteur hors pair (cette manière bien particulière est mise en évidence dans la première traduction du roman. La récente réédition avec une nouvelle traduction y a beaucoup perdu, mais ceci fera l'objet d'une autre chronique). Il faut rappeler qu'il a été rédigé dans les années 30 et que la première parution date de 1936.

Le récit, donc, possède le charme des contes que l'on entend de la bouche même du conteur. Le personnage est présenté dès le début comme un peu simple, ce que nous appellerions sans doute maintenant un péquenaud, mais sa finesse d'esprit et son sens de l'initiative se révéleront très vite au cours de l'aventure, lors des nombreuses péripéties auxquelles le groupe sera confronté.
Les esprits chagrins se plaindront que lesdites péripéties sont trop nombreuses et trop facilement contournées. Que l'on se souvienne alors qu'il s'agit initialement d'une histoire racontée à la veillée, qui s'étendait sur plusieurs jours (en fait, autant que le conteur voulait la faire durer pour conserver l'attention de son auditoire, et Tolkien était très taquin...). Et surtout, que cette histoire était destinée aux enfants qui s'émerveillent, eux, de l'intelligence dont fait preuve le héros pour se sortir des pièges, et ne font pas grand cas de la multiplication des épisodes de bravoure... A cela, je rajouterai "Avez-vous lu Candide, de Voltaire ?"

Ceci dit, le récit possède quand même une unité de temps et d'espace. La plupart des éditions (sauf, à ma connaissance, l'édition Hachette avec une superbe illustration de Rosinski en couverture) comportent une carte au début et une carte à la fin de l'ouvrage. Celle du début est la carte de Thror, dont il est plusieurs fois fait mention dans le récit. La carte finale est celle des Contrées Sauvages, qui donne un aperçu du territoire traversé par la compagnie, entre Rivendell et la Montagne Solitaire. La Comté n'apparaît pas, la carte se focalisant sur les terres plus à l'est.

Il était question plus haut de la création de l'univers pour insérer les langues imaginées par Tolkien. Les lecteurs en trouveront quelques exemples dans Le Hobbit, mais peu nombreux. En revanche, ils foisonnent dans l'autre roman de l'auteur qui est paru quelques années plus tard et qui l'a consacré aux yeux du public : Le Seigneur des Anneaux. Ici, on trouvera quelques phrases en elfique, des runes naines et tout un tas de noms exotiques, propices à la rêverie.

Bilbo le Hobbit, ou Le Hobbit, puisque le cinéma a reprit le titre original du roman, est un conte initiatique pour enfants. Mais qu'on ne s'y trompe pas, un adulte trouvera dans ce récit autrement plus de choses qu'un enfant et s'émerveillera tout autant. Il s'agit également d'un récit d'aventure rempli d'humour et de bonne humeur, avec quelques passages qui font frissonner car ceux qui écoutent des histoires adorent frissonner.
Enfin, c'est surtout une porte entrouverte sur un univers extrêmement vaste que le lecteur peut prendre plaisir à explorer. Certains y ont consacré des années d'études. D'autres y sont encore. Les romans du Hobbit et du Seigneur des Anneaux ne sont que d'infimes parties de ce que Tolkien a créé et que son fils Christopher continue d'explorer pour le plus grand plaisir des passionnés.

Il est peu évident de parler d'un ouvrage aussi emblématique que Bilbo le Hobbit. Le risque est double, soit en dire trop et décourager toute lecture, soit n'en pas dire assez et revenir au même résultat.
Il peut devenir, en tout cas, un superbe cadeau en cette fin d'année, pour un enfant en mal d'aventures. Ou devenir un livre à découvrir pour, peut-être, pousser la porte de la Terre du Milieu et y faire son propre trou (de hobbit, bien sûr)

Cœur de chêne

Extrait : (tiré de la première traduction du Hobbit)

Dans un trou vivait un hobbit. Ce n'était pas un trou déplaisant, sale et humide, rempli de bouts de vers et d'une atmosphère suintante, non plus qu'un trou sec, nu, sablonneux, sans rien pour s'asseoir ni sur quoi manger : c'était un trou de hobbit, ce qui implique le confort.
Il avait une porte tout à fait ronde comme un hublot, peinte en vert, avec un bouton de cuivre jaune bien brillant, exactement au centre. Cette porte ouvrait sur un vestibule en forme de tube, comme un tunnel : un tunnel très confortable, sans fumée, aux murs lambrissés, au sol dallé et garni de tapis ; il était meublé de chaises cirées et de quantité de patères pour les chapeaux et les manteaux - le hobbit aimait les visites. Le tunnel s'enfonçait assez loin, mais tout à fait en droite ligne, dans le flanc de la colline - la Colline, comme tout le monde l'appelait à les lieues alentour - et l'on y voyait maintes petites portes rondes, d'abord d'un côté, puis sur un autre. Le hobbit n'avait pas d'étages à grimper : chambres, salles de bain, caves, réserves (celles-ci nombreuses), penderies (il avait des pièces entières consacrées aux vêtements), cuisines, salles à manger, tout était de plain-pied, et, en fait, dans le même couloir. Les meilleures chambres se trouvaient toutes sur la gauche (en entrant), car elles étaient les seules à avoir des fenêtres, des fenêtres circulaires et profondes, donnant sur le jardin et les prairies qui descendaient au-delà jusqu'à la rivière.
Ce hobbit était un hobbit très cossu, et il s'appelait Baggins.

Bilbo le Hobbit
Bilbo le Hobbit
de J.R.R. Tolkien - Editions Le Livre de Poche -  371 pages