De Paris à Téhéran, portrait d'un père disparu, tout en finesse, amour, et cocasserie. Premier roman de Yassam Montazami, une écriture sensible et simple, pleine de lucidité, de compréhension. Élégant et émouvant, tout en sachant être drôle.
Lorsque son père fait le voyage de Téhéran à Paris pour renouveler son titre de résident en France, Yassam Montazami - alors chez son psychanalyste - pressent que quelqu'un de sa famille va mourir. Deux mois après, elle doit dire 'Mon père est mort'. Comment faire face à cette disparition rapide, injuste, douloureuse ? En prenant le parti pris de dire avec lucidité et franchise qui était son père. En regardant l'homme qu'il a été, les souvenirs qu'en ont sa famille ou ses amis, Yassaman Montazami donne un portrait de son père disparu sans sombrer dans la tristesse ou la nostalgie.
Behrouz - 'le meilleur des jours' en persan - est venu d'Iran en France pour faire des études - et une monstrueuse thèse sur Karl Marx qu'il n'achèvera pas malgré un acharnement et un travail colossal - Il abandonnera d'ailleurs définitivement ses études en retournant en Iran, délaissant ses quelque trois mille livres et surtout ses milliers de pages. Yassam retrouvera avec beaucoup d'émotion dans des cartons cet héritage complètement oublié.
Behrouz était un être plein de drôlerie, de fantaisie, de cocasserie sans oublier bien entendu son engagement politique puisqu'il participera à sa manière aux événements révolutionnaires de 1979 où l'Iran bascule de la monarchie à la République islamique. Mêlant le sérieux à l'insouciance, son appartement servira beaucoup de refuge aux Iraniens en exil. Les moments de convivialité et de générosité sont nombreux et Yassam, alors petite fille, se souvient de figures singulières lors de ses échanges où politique, repas et vodka se mélangent...
Entre anecdotes, portraits des amis de passage d'un pays ou l'autre, de la famille, des femmes aimées, entre Paris et Téhéran, un portrait kaléidoscopique brillant, émouvant, drôle.
Un beau texte où l'écriture est à la fois refuge, mémoire, témoin, soutien. Une belle écriture pour dire tout son amour à son père et le rendre vivant.
Anne-Laure et Stéphane
Librairie La Mémoire du Monde
(Les avis des autres membres du jury des Biblioblogueurs en suivant ce lien et ceux du jury des lecteurs dans les commentaires du billet)
Extrait :
L'hospitalité n'était pas la moindre manifestation de la générosité de mon père. Aussi avant comme après la Révolution islamique, notre appartement resta-t-il longtemps un point de passage pour des dizaines d'exilés politiques.
Si certains avaient quitté l'Iran légalement, la grande majorité d'entre eux avaient enduré la rudesse et bravé les dangers d'un voyage clandestin à dos de mulet à travers les montagnes du Kurdistan et de la Turquie. Une fois requinqués par la cuisine de ma mère et par les rasades de vodka que leur servait mon père, ils se mettaient à nous narrer toutes les péripéties de leur terrible odyssée.
Le meilleur des jours de Yassaman Montazami - Éditions Sabine Wespeiser - 144 pages
Commentaires
dimanche 17 février 2013 à 10h20
J'ai hâte de me plonger dans cette histoire.
dimanche 17 février 2013 à 11h15
jolie découverte en perspective:)
dimanche 17 février 2013 à 19h13
J'avais été tentée de l'acheter, ça ne saurait tarder maintenant!
mardi 19 février 2013 à 21h23
Marimile : ce livre est en vente dans toutes les bonnes librairies indépendantes ...
... et je t'en recommande une à Avignon -)
mercredi 20 février 2013 à 09h06
Alice-Ange, c'est fait!
dimanche 7 avril 2013 à 11h07
Je viens de le lire d'une traite
Très bel hommage à son Père, mais aussi un portrait de cet Iran que l'on connait qu'à travers les clichés des ayatollahs..
mardi 4 juin 2013 à 10h18
C'est marrant. Nous sommes unanimes sur ce livre plutôt beau mais dont ne retient rien.
Comme Yohan, j'ai dû relire la chronique pour me remémorer l'histoire afin de le mettre dans mon classement. C'est fou d'arriver à écrire un livre aussi évanescent... C'est presque dommage d'ailleurs, car l'autre point commun entre nos ressentis est bien la qualité d'écriture.
mardi 4 juin 2013 à 19h31
Lecture en demi-teinte pour moi.
Un extrait de mon billet de blog.
''J'ai apprécié ce livre pour ce qu'il montre de l'Iran. La révolution islamique en littérature, je l'ai découverte avec Marjane Satrapi et son roman graphique, Persepolis. L'auteure racontait son histoire et celle de ses proches en plein cœur du bouleversement qui marqua le pays. Dans son texte, Yassaman Montazami insiste bien sur la honte, voire sur la douleur paradoxale que ressentait son père de ne pas avoir souffert du changement de régime. Même en prenant fait et cause contre la dictature islamique, Behrouz n'a pas été un martyr de la révolution islamique et c'est peut-être la pire souffrance qu'il pouvait endurer, lui qui ne vivait que pour ses idées.
Voici donc une lecture en demi-teinte qui ne m'a pas vraiment émue, mais dont j'ai apprécié les réflexions. Et même si Yassaman Montazami n'a pas su me toucher en parlant de son père, elle a su me rappeler – bien que je ne puisse jamais l'oublier – à quel point j'aime le mien. D'un hommage au père à un autre, finalement, le meilleur des jours est toujours celui où je vois et j'entends mon papa''.