Louise a proposé que nous refassions un point sur les vacances, à partir des nouvelles données qu’elle nous avait fournies avec Paul, et que nous nous retrouvions chez eux à une date rapprochée pour choisir une maison devant leur ordinateur. Vendredi soir ? a suggéré Georges. On était mercredi. Or personne n’avait rien de mieux à faire ce vendredi soir, et j’ai noté une fois de plus que nous étions tous disponibles, peu sollicités par nos autres semblables, que nous sollicitions peu, également, ou que nous nous étions mis depuis longtemps en position d’éviter.

Rien n’est simple entre eux : Georges vient de se séparer de Christine, William a une alerte médicale, Jean visite un appartement avenue de Versailles et héberge une certaine Agnès qui vient d’être quittée par un certain Louis-Philippe. Paul, le médecin, annonce subitement qu’il va quitter Louise. Et on découvre que William, qui est à l’hôpital, a un fils qui s’appelle Bastien et que personne ne connaît.

Contrairement à Sur la dune, les personnages ne bougent pas de Paris, et se concentrent même sur l’avenue de Versailles et ses environs, où Jean s’approprie le quartier. Avec des questions métaphysiques sur la fascination que peut susciter le passage des voitures sur la voie rapide.

Tous ces personnages se confrontent à la vie urbaine.

Pour les amateurs de l'écriture Christian Oster dont je suis, on retrouve ici les thèmes de prédilection qu’on lui connaît. Il s’interroge : qu’est-ce que l’amitié ? qu’est-ce qu’on partage, entre amis ? et qu’est-ce qu’on ne partage pas ?
Il nous parle du silence, des glissements, de l’intime et du temps.
Et de Paris aussi, des rues de Paris, de l’avenue de Versailles, de la vue sur la statue de la liberté.

Comme les personnages du film Lost in translation les personnages de En ville sont en transit, non pas entre deux avions, mais entre deux relations amoureuses. Eux aussi sont flous sur la photo, ne savent très bien où ils en sont. La question de l’identité, encore une fois.

Avec une pointe d’amertume et de mélancolie, maniant toujours la langue avec beaucoup d’à propos, en utilisant souvent une forme de style indirect libre pour retranscrire les pensées de son narrateur, Christian Oster réussit un portrait très réussi de la vie d’aujourd’hui.

Un peu plus triste que d’habitude, plutôt désabusé, mais avec beaucoup d’acuité pour dépeindre la société contemporaine et urbaine.

Alice-Ange

Du même auteur : Sur la dune.

Extrait :

William m’a remercié pour ma visite, il était fatigué. Georges est arrivé au moment où je partais, il était essoufflé. Il s’est assis au bord du lit et a touché le poignet de William. Je n’avais touché le poignet de William. Je n’allais pas non plus le toucher maintenant que Georges l’avait fait, je ne toucherais donc pas le poignet de William ce soir, ni aucun autre soir, ai-je pensé, maintenant que Georges l’a fait je ne pourrai jamais le faire, or maintenant que George l’a fait j’aimerais l’avoir fait. Mais même pas, ai-je pensé.

En ville
En ville de Christian Oster - Éditions de l'Olivier - 174 pages