Ce roman ne m'a pas du tout passionné ! L'histoire, s'il y en a une, est tout à fait banale. Le romancier ne fait qu'effleurer le sujet de la vie de quelques étudiants indiens à Oxford. Il m'a en effet semblé qu'il s'est concentré sur les jours de leur vie où il ne se passe rien de particulier...

La plupart des chapitres évoquent Oxford. Sans lien évident avec ceux-ci, d'autres chapitres sont situés en Inde, à Bombay ou à Calcutta et évoquent des souvenirs du temps où le narrateur habitait chez ses parents. Un maître de musique indienne venait régulièrement chez eux donner des leçons. Le roman contient de nombreuses références à la musique classique du Nord de l'Inde. Le titre Râga d'après-midi évoque un Râga, ou mode musical (pour simplifier), qui se joue traditionnellement pendant l'après-midi. Je ne suis pas convaincu que ces passages manifestement écrits par un passionné de musique hindoustanie soient suffisamment évocateurs pour intéresser le lecteur occidental non initié à cette musique ! Et quand on y a déjà été introduit — au moment d'écrire ces lignes, je sors justement d'un concert dans lequel un maître indien a magnifiquement interprété les Râgas Multani et Malkauns — le texte est parfois trop flou pour éclairer le lecteur. (La traduction n'aide pas : je soupçonne que dans l'extrait ci-dessous où l'on peut lire rishab triste et plat, plat soit une traduction de l'anglais flat qui signifierait ici que le rishab, c'est-à-dire la deuxième note de la gamme indienne, est bémolisé...)

Si l'intrigue du roman manque très singulièrement de consistance, il faut néanmoins reconnaître à l'auteur un certain talent pour évoquer en peu de mots des petits riens ou pour construire des atmosphères. En lisant une des scènes du roman situées en Angleterre, j'ai eu l'impression de revenir en arrière, lors d'un voyage en Inde, à Trivandrum, dans le Kerala : la pluie est tombée soudainement, me surprenant, ainsi que d'autres passants, et tout le monde s'est précipité sous des abris de tôle ondulée à l'entrée de petites boutiques pour attendre la fin de l'averse...

Joël

Extrait :

Chaque râga a son jour d'exécution, sa saison ou son bouquet d'heures qu'on appelle prahar. Le Goud Sarang et le Shudh Sarang se jouent à midi, tandis que le Madhuvanti se chante en fin d'après-midi, presque au crépuscule, le Purvi et le Shree se pratiquent de la tombée de la nuit au petit matin, tandis qu'en fin de soirée résonne l'Abhogi Kantra. Midi souffle les effluves du jaque qui mûrit, le bourdonnement des mouches bleues luisantes, la fragrance des fleurs de manguier qui, nous dit Tagore, ouvre les portes du paradis. Les notes sa ri ma ri ma pa du Shudh Sarang, avec la montée aiguë, tendue, du deuxième ma, sa résolution en pancham, définissent la splendide inactivité de la mi-journée, ses ablutions, puis sa sieste, la paix qui règne sur la maisonnée. Le crépuscule rafraîchit la véranda, la limite entre l'ombre protectrice de la maison et l'éclat de la rue, entre intérieur et l'extérieur, se dissout. Le rishab triste et plat s'accroche aux aigus du madhyama et du panchama, les harmonies du Shree se tissent entre elles, descendent en piqués, remontent en volutes, calment l'esprit, dans l'attente que la lumière se retire. Il n'est de râga assez pur qui ne remette en mémoire un autre râga, qui ne soit, de quelque élémentaire façon, une variation ou une version d'un râga chanté à un autre moment de la journée ou à une autre saison. Ainsi, ne pourrait-on pas dire que le Sudh Sarang, avec sa chaleur et son flamboiement, ressemble dans sa structure et sa forme aux trombes torrentielles du Megh ? Les saisons et les heures n'ont pas d'existence absolue ; elles se définissent les unes par rapport aux autres.

Râga d'après-midi
Râga d'après-midi d'Amit Chaudhuri - Éditions Philippe Picquier - 138 pages.
Traduit de l'anglais par Simone Manceau