Mort deux fois ! A-t-on idée d'être tout aussi pénible mort que vivant ? Oui, c'est possible dans ce roman de Jean-Louis Marteil. C'est surtout une excellente idée et occasion pour ses lecteurs de retrouver les personnages de La chair de la Salamandre. Enfin, ceux qui ont survécu bien sûr !

Évidemment, on retrouve avec délectation l’évêque atrabilaire, plus attentionné à ses deux molosses et ses heures de repas qu'aux affaires de justice, le capitaine du guet Mord-Boeuf et son ombre Pasturat, aussi peu éclairé. Viennent s'ajouter d'autres personnages tout aussi gratinés, s'il est possible d'en inventer. Assurément, pour Jean-Louis Marteil, tout est possible.

Dans la maisonnée de Dame Braïda, on trouve Pèire du Puy, plus communément appelé Pisse-dru et Géraud, un bon géant. Valent le détour ces deux-là, en terme de gros bras aveuglément attaché à leur maîtresse. Et la merveille, une petite étoile nommée Ava, digne fille de sa mère Braïda.

Quelques rues plus loin, on trouve le nouveau maître des basses œuvres de l'évêque, le seigneur Aimard de Roquebrune tout juste arrivé d'Auvergne et les truands qu'il soldoye. Ces derniers arrivent à battre haut la main les soldats du guet en terme de bourdes, âneries en tout genre, en litres de vin et bières éclusés. Si, si, c'est possible, je vous dis !

Quant à la Truie-fouilleuse, que dire. Tout est dans son patronyme. Ce n'est pas le pauvre Pisse-dru qui vous dira le contraire. Que ne ferait-on pas pour un sourire de Dame Braïda.

Comment vous raconter cette enquête où les deux Creux du cap s'empêtrent allègrement, où Dame Braïda y trouve une occasion d'exercer son intelligence pour démêler ces crimes, au grand dam de Domenc son doux et tendre époux.
Car rien n'est simple autour de ce double-mort. Qu'est-ce qui a pu motiver ce sacrilège d'aller déterrer un mort, de lui planter un couteau dans le corps ? Ses anciennes activités d'usurier, les combines louches autour de l'hypothétique construction d'un pont sur l'Olt.

Je ne vous en dis pas plus parce que c'est inracontable. Je sais que vous dis toujours ça. Mais ce serait dommage de vous priver de ce rare moment d'intense jubilation que l'on a à lire les aventures des uns et des autres. Entre les embûches, les meurtres ratés puis réussis, les termes anciens pas piqués des vers – au point que l'auteur a même conçu un dictionnaire exprès (un régal sans nom à lui tout seul), vos zygomatiques et abdos demanderont grâce pour un peu de repos. Juste le temps de s'y remettre tant vous deviendrez accro à ces personnages et cet humour noir décapant.

Rares sont les histoires où des morts sont re-morts et des morts que l'on ressuscite, un molosse d'évêque devenu neurasthénique et une bataille rangée en notes de bas de pages (clin d’œil à l'auteur). Après cinq lectures et quelques mois après, rien que de lire le titre, j'ai un fou rire qui me vient de suite.

Laissez vous entraîner dans cette joyeuse hécatombe ! Vous m'en direz des nouvelles.
Merci merci encore à l'auteur ! J'attends avec impatience les prochaines aventures cahorsines.

Dédale

Du même auteur : La chair de la Salamandre, La relique, L'os de frère Jean, Le vol de l'aigle, Ouradour-sur-Glane, aux larmes de pierre

Extrait :

« Fort bien. Et l'assassin ? » laissa brusquement tomber Pelfort Pasturat, s'attirant pour cela un coup d’œil consterné de Guillaume de Cardaillac.
L'évêque sembla hésiter. Allait-il se donner la peine de répondre ? Il lâcha un profond soupir et décida que oui, finalement : « L'assassin ? Quel assassin ? Peut-on tuer un mort, pauvre cruche ? »
Pasturat baissa la tête. Mais Guillaume de Cardaillac pensa que c'était là, malgré tout, une bonne question. Plus jeune, il s'y serait sans doute intéressé. Peut-être même aurait-il convoqué quelques corbeaux spécialistes en droit de justice afin de déterminer si oui ou non il y avait crime dès lors que l'on poignardait un mort. Il y avait sacrilège, à n'en pas douter : on ne retourne point terre consacrée à coups de pelle et de pioche, pour en faire sortir ce qui en principe doit seulement y entrer, sans que cela, peu ou prou, n'offense Dieu en son Paradis ! Quant à accuser quelqu'un d'avoir assassiné un mort, c'était une autre affaire. Irait-on jusqu'à pendre un homme pour avoir tué un cadavre ? Prendrait-on le risque de faire mourir de rire tout un collège de juges religieux, y gagnant en ridicule ce que l'on y perdait en autorité ? La véritable question, donc, que l’évêque aurait posée aux éminents docteurs en lois eut été celle-ci : peut-on pendre un homme pour le sacrilège attesté d'exhumation de corps, étant bien entendu que la question de ne point le pendre, elle, ne se posait pas, le tout étant juste d'en trouver une raison ?
« Allez ! » fit enfin Guillaume, sortant de ses pensées et réalisant soudain qu'il allait devoir se préparer pour passer à table, « allez me chercher ce poignard et rejetez le mort à la fosse ! Et si l'odeur vous incommode, bouchez vous les narines ! »

L'assassinat du mort
L'assassinat du mort de Jean-Louis Marteil - Éditions La Louve - 237 pages