Meurtres sur papier est la quatrième enquête de Petra, et le tandem improbable qu’elle forme avec Fermin affronte ici un monde nouveau, celui de la presse people à scandale, de la télévision bas de gamme et de la jet-set. Un journaliste vedette de cette presse poubelle, Ernesto Valdès, a été assassiné, vraisemblablement par un tueur à gages. L’enquête s’annonce délicate car les méthodes brutales et l’absence de scrupules de Valdès, victime peu sympathique, lui avaient valu de nombreux ennemis, qui tous avaient de bonnes raisons de le supprimer. De plus, de hauts personnages de l’État peuvent être mis en cause. Bref, Petra et son subordonné marchent sur un terrain glissant, d’autant que Valdès qui n’hésitait pas à ruiner des réputations, avait pris grand soin de ne pas laisser de traces derrière lui. Les cadavres cependant s’amoncellent et les allers et retours Barcelone-Madrid par le pont aérien que sont obligés de faire les inspecteurs pour les besoins de l’enquête compliquent encore les choses… sans oublier les aléas de la vie personnelle qui perturbent quelque peu la situation.

Alicia G.Bartlett dresse ici un portrait peu flatteur de ce monde du paraître où l’argent tient la première place. Tout tourne ici autour de l’image, image « glamour » que veulent donner les stars du grand ou petit écran, balayée par des intérêts sordides et l’appât du gain.
En contre point, Petra offre l’image d’une femme entièrement vouée à la résolution de l’affaire, et dont l’apparence physique est mise à mal par les voyages incessants, le stress et la peur d’échouer. C’est une femme « vraie », qui doit à son mauvais caractère, son humour corrosif et sa ténacité, de triompher et d’emporter l’adhésion du lecteur !

Un roman bien ficelé, agréable à lire, résolument en phase avec la société espagnole d’aujourd’hui, comme les autres ouvrages de la série. Si vous tombez sur une enquête de Petra Delicado, n’hésitez pas !

Marimile

Extrait :

Nous marchâmes dans la rue, pas trop vite, en silence, la mauvaise humeur et la frustration créant un petit nuage autour de nous. Garzon donna un coup de pied dans un mégot, étant donné l’absence de pierres dans la ville.
- Vous croyez qu’avec l’accumulation de cadavres qu’on a sur le dos c’est un bon moment pour se mettre à fouiller dans de vieux journaux ?
- Non, je suppose que cela correspondait à une étape précédente ; maintenant ce serait absurde et cela nous ferait perdre beaucoup de temps. Que pensez-vous de la tactique consistant à mettre le feu à la forêt journalistique ? ça pourrait peut-être faire sortir quelques nuisibles embusqués. Et que pensez-vous du monde de la politique ?
- Inspectrice, je vous rappelle que ce qu’il y’a de mauvais dans les journaux, c’est qu’ils publient. Si on commence à visiter ouvertement les rédactions et à faire courir des rumeurs, ça sera imprimé tout de suite. Que devient le devoir de réserve ?
- D’accord, cela finirait par nous être préjudiciable, mais nous déclencherions au moins un certain mouvement.
- Ou pas. Si Valdès faisait partie d’un réseau de maîtres chanteurs du monde journalistique, je ne crois pas que ce soient des tendres. Ils doivent bien réfléchir avant de se tromper. Et je regrette de vous dire que si on fait tomber une haute tour, il faudra s’assurer des preuves solides. Oubliez ces intuitions ou ces traques psychologiques.

Meurtres sur p apier
Meurtres sur papier de Alicia Giménez Bartlett - Éditions Rivages Noir - 359 pages
Traduit de l'espagnol (Espagne) par Marianne Million.