Avant de s’installer en Allemagne de l’Est dans le cadre d’un échange entre pays communistes, Galsan Tschinag a passé son enfance dans le Haut Altaï, une province de Mongolie. L’unique activité est l’élevage de troupeau de moutons et concentre l’énergie de tous les membres de la famille. Il faut faire se déplacer les troupeaux, les protéger du froid qui descend de la montagne, des prédateurs, des maladies. Il raconte dans ce récit ses premières années au sein du clan, avec un regard parfois nostalgique, souvent ému et touchant, mais avec toujours une plume très délicate.

Dans ce contexte difficile, où la nature a des conséquences sur tous les actes de la vie quotidienne, le petit Galsan s’épanouit et fait preuve d’un éveil rapide. Arsylang, son chien est son plus proche compagnon. Le roman s’ouvre et se clôt sur la figure de ce fidèle ami, efficace pour mener les troupeaux et d’un soutien sans faille dans les moments difficiles. Galsan peut également compter sur Grand-mère, une femme arrivée par hasard dans le camp et immédiatement adoptée par le jeune garçon. Les absences de Grand-mère, partie rejoindre son ancien clan, sont pour l’enfant des moments très douloureux de grande solitude.

La vie dans le clan n’est pas de tout repos. Outre la recherche permanente de nourriture et la nécessité de parfois se séparer des bêtes les plus âgées, des événements malheureux surviennent. Comme cette chute de Galsan dans une marmite de lait bouillant, lorsqu’il est enfant. Ce n’est que grâce au secours de divers amis et à l’application de plusieurs onguents qu’il parvient à guérir.

Si la vie au milieu de la nature marque l’enfance de Galsan, la ville n’est jamais bien loin. Son frère et sa sœur aînée y seront d’ailleurs envoyés pour aller à l’école. Leur retour de la ville, les bras chargés de cadeaux et de confiseries, est un moment de grand bonheur pour tout le clan. Galsan Tschinag arrive à rendre de manière très douce et prenante l’excitation qui domine.

Mais la nature a aussi ses dangers et la famille tente de s’en protéger. Des boules de poison sont ainsi confectionnées pour éloigner les prédateurs. Mais, paradoxalement, c’est en voulant se défendre que le clan crée les conditions pour l’arrivée du malheur. Car il n’y pas que la nature qui peut être dangereuse.

 Yohan

Extrait :

La journée a été dure. Le froid piquant de la nuit précédente s’est maintenu. Le soleil pâle, lointain, minuscule, n’était pas capable d’en venir à bout. Le monde était brillant de gel, on aurait dit qu’il était vide, et je me suis senti abandonné. Arsylang me semble un compagnon insuffisant, un pis-aller. Et j’avais le sentiment que ma présence ne lui suffisait pas non plus. Le grand troupeau est apparu avant l’heure au bout du chemin qui, de là-haut, depuis la croupe de la montagne au dessus de l’aïl, clair et large comme le bras d’un glacier au milieu des rochers en demi-cercle à l’arête tranchante, paraissait tomber à pic sur l’enclos. Au lieu de me faire plaisir, j’en ai été accablé : tout était-il donc sens dessus dessous sur cette terre froide, vide et brillante de gel ?


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Ciel bleu - une enfance dans le Haut Altaï
de Galsan Tschinag - Éditions Métailié - 180 pages
Traduit de l'allemand par Dominique Petit