2202.
L'Empire Chrétien Moderne s'élève sur les ruines de la civilisation terrestre. Et l'avenir de l'Homme se trouve ailleurs, dans les étoiles.

2202, c'est l'année tragique. Celle où tout a basculé.
Cette année là, un vaisseau colonisateur aborde une planète d'Alpha du Centaure. L'expédition se passe au mieux, jusqu'au moment où les colons rencontrent un peuple indigène inconnu, les Atamides. Mais la découverte la plus surprenante est certainement ce tombeau : le véritable tombeau du Christ !
Tentant d'en prendre possession par la force, les colons sont massacrés.

Deux ans plus tard, le pape Urbain IX assiste à la mise en place des derniers éléments d'un gigantesque vaisseau qu'il a fait armer pour porter le message de l’Église aux confins de la galaxie, à travers un million de bouches armées.
C'est une nouvelle croisade qui est lancée, mais comme dans toutes les guerres, les enjeux dépassent certainement ce que veulent bien en dire les journaux.
Dans un monde à l'agonie, alors que le salut est hors de la galaxie, quelques hommes vont risquer leur vie pour la connaissance, la vérité et la liberté.

Dominium Mundi est le premier roman de François Baranger. Il est surtout connu à la base pour son travail d'illustrateur, première chose que voit le lecteur, car il a lui-même réalisé la couverture du roman.
Avec ce premier roman, il s'attaque à une grosse partie. Résolument SF, son univers propose une Terre ravagée par un cataclysme que les hommes ont déclenché, ce qui a provoqué un retour à une féodalité pure et dure et surtout l'expansion hégémonique de la religion chrétienne.

Le Pape est alors un personnage tout puissant, et les cours du monde encore peuplé, de vastes arènes où les courtisans font assaut de flatteries et de jeux de pouvoir.
Parallèlement, l'espace est en voie de colonisation, et c'est là tout le propos du roman. En effet, une délégation a été attaquée sur une planète lointaine où la vie est possible. Les indigènes auraient massacré tout le contingent de colons et la soldatesque. Pour le Pape, c'est une déclaration de guerre.
Deux ans plus tard, on achève d'armer le St Michel, gigantesque bâtiment qui peut contenir un million d'âmes et les emmener à l'autre bout de l'univers pour asséner l'évangile à coup de fusils d'assaut T-Farad.
Au sein de la tourmente, le destin va réunir le Méta-guerrier Tancrède de Tarente, noble et Templier, et Albéric Villejust, un enrôlé de force, génie de l'Infocosme.

Le roman est un petit pavé de plus de 600 pages, premier volume d'un diptyque.
François Baranger entraîne son lecteur dans le futur dès les premières pages et le laisse pantelant à la fin, avide de connaître la suite de cette histoire palpitante.
Tel un maître, il brosse par petites touches son univers, en dévoilant un peu plus à chaque passage, mais pas assez pour avoir dès le début son idée et une vision d'ensemble. Du coup, il tient son lecteur en haleine, curieux de savoir le pourquoi du comment de telle situation. Bien qu'un peu lent à démarrer, le roman trouve rapidement son rythme de croisière et ne laisse aucun répit à la lecture, enchaînant les questionnements, les situations délicates, les événements et les découvertes. Du moment que le lecteur embarque, il ne peut qu'aller au bout de l'aventure. Impossible de lâcher avant la fin.

L'univers féodal est bien tenu, et les avancées technologiques telles que l'Infocosme suffisamment crédibles pour qu'on se demande quand il sera possible réellement d'accéder à cette technologie. A côté de ça, les références constantes à la première croisade tant dans les faits que les personnages sont autant d'éléments dont la présence pourrait alourdir l'ouvrage mais qui au contraire lui confèrent une unité certaine. L'auteur n'est pas tombé dans le piège de la parodie ou du plagiat et se sort de cette réinterprétation historique avec panache. Il dit d'ailleurs lui-même en fin d'ouvrage qu'il faut voir dans cette histoire une sorte de relecture personnelle de l'Histoire, assise sur le constat à la fois évident et quelque peu déprimant, que l'histoire se répète inlassablement, y compris - et surtout - dans ses aspects les plus négatifs.

Avec un style fluide, il suit chacun de ses personnages. Leur prêtant voix et vie. Il n'y a pas de règle ou de schéma concernant l'alternance des personnages. Il ne sont pas non plus signifiés en tête de passage. Mais comme chacun a sa voix propre, le lecteur identifie assez facilement à qui il a affaire. Cette gestion de personnage confère au roman une certaine homogénéité et une fluidité agréable à la lecture. D'autant que les routes et les destins de certains se croisent inextricablement.

Outre la réutilisation de noms et de lieux liés à la Première Croisade, il utilise aussi, et c'est son inspiration principale, le poème épique La Jérusalem délivrée, poème du XVIème siècle de Torquato Tasso, dit Le Tasse. Il s'agit d'un récit reprenant les événement liés à cette croisade, mais avec assez peu d'exactitude historique, semblerait-il. A la manière dont Homère immortalise la guerre de Troie dans L'Illiade, précise Baranger.
Reste que le roman forme un tout extrêmement cohérent et plaisant à lire. Je n'ai pu m'empêcher de faire un parallèle avec le film Mission, de Roland Joffé (1986) dont la thématique me semble assez proche pour tout ce qui concerne la manière dont l’Église préconise d'agir face aux païens et le fanatisme qui en découle.

En bref, pour un coup d'essai, c'est un coup de maître. Et un coup de cœur pour moi. Chapeau bas, monsieur Baranger. A découvrir absolument !

Cœur de chene

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Extrait :

Extrait d'une émission spéciale en direct de la chaîne TP9 consacrée au lancement du Saint Michel

Ce navire devait être le premier d'une vague de "vaisseaux d'ensemencement" lancés vers les étoiles dans le but de conquérir de Nouveaux Mondes pour une humanité à la recherche d'espace vital. En effet, comme la Guerre d'Une Heure avait irradié plus des deux-tiers de la surface habitable du globe, [...] la colonisation de nouvelles planètes était devenue une nécessité pour la survie de l'espèce humaine à long terme. [...]
Ce fut en 2195, après que l'Empire Chrétien Moderne eut englouti dans la recherche des sommes extraordinaires, qu'appareilla la première mission de colonisation extra-solaire.
Sa destination était le système stellaire le plus proche de la Terre dont la principale étoile est Alpha Centauri A.
La mission débarqua trois ans relatifs plus tard sur le sol de la deuxième planète à partir de ce nouveau soleil, un globe rocheux en tous points comparable à la Terre sobrement baptisé par les astronomes de l'Office Pontifical des Sciences Astrales : ACA-2.
La première rencontre avec un indigène eut donc un grand retentissement dans l'opinion publique. La découverte de ces créatures étranges - les Atamides, ainsi qu'ils se nomment eux-mêmes - et de leurs cités éclipsa pendant un temps l'objectif colonial de l'entreprise et certains commencèrent à comparer cette mission spatiale avec les glorieuses missions évangélisatrices du XVIIème siècle. Toutefois, le véritable bouleversement vint avec la découverte au cœur d'une de leurs cités d'un temple chrétien ! [...]
Ce fut un véritable séisme pour toute la chrétienté.

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Dominium Mundi (Livre I) - François Baranger - Éditions Critic - 750 pages.