L'histoire, nous la vivons par les yeux du fils aîné. Derrière lui, deux frères. Si Thom, le plus jeune, n'a pas de caractéristiques particulière, Totor, le cadet, est lui un phénomène. Il ne parle pas et consigne tout ce qu'il voit dans son cahier. Au oint que lorsqu'il voit la mer pour la première fois, il reste plusieurs heures à écrire sur son carnet faisant espérer à ses parents un kidnapping. Oui, espérer, car les parents n'ont qu'une idée en tête : comment ramener facilement de l'argent. Heureusement pour eux, le crash d'un Boeing dans leur jardin leur a donné leur moment de gloire, avec passage à la télé et tout le tintouin. Ce fut toutefois une période douloureuse pour la mère, obligée de constamment nettoyer les traces de pas laissées par les journalistes sur le carrelage. Le tableau ne serait pas complet sans la grand-mère, incapable de bouger de son fauteuil et constamment branchée sur la télévision. Bref, une famille presque parfaite !
Pour pimenter leur quotidien, ils sont au cœur d'accidents plus ou moins funestes. Outre cet accident d'avion (un des membres de la famille en est-il à l'origine ?), il y a un accident de la route, la mort accidentelle de l'oncle venu assister à la mort du cochon, le déversement de produits chimiques en plein centre-ville... Une telle accumulation qui attire sur place un journaliste, l'Ampoule, qui va les suivre à la trace, persuadé de pourvoir trouver un reportage du tonnerre, avec accident en direct à a clé.
Avec une plume très alerte, souvent drôle, Serge Joncour fait mouche avec son premier roman, paru en 1998. On y retrouve la drôlerie qu'il peut avoir dans ses créations littéraires lors de l'émission Des papous dans la tête, sur France Culture. C'est une galerie de portraits tous plus improbables les uns que les autres, avec une pointe de satire pour le monde médiatique, attiré par les catastrophes. L'Ampoule fait ici penser à un journaliste de Strip-tease, l'émission belge qui se plonge dans la vie d'individus lambda et en montre les travers, sans commentaires. ici, l'humour est assuré par le décalage entre les événements dramatiques dont est responsable la famille et le recul qu'ils ont par rapport à eux. Une irresponsabilité tellement énorme, servie par quelques saillies de l'auteur très bien trouvées, qui fait rire et apporte un contrepoint de légèreté à ce roman très pathétique sur le fond.
Du même auteur : L'idole, L'amour sans le faire
Yohan
Extrait :
Au hasard de la chorégraphie le père ajustait son coup, soucieux de ne pas trop viser l'audience, s'énervant crescendo au fil des dérapages. Le cochon - toujours dans l'esprit de la déconnade - devenait de moins en moins tenable gigotant au possible, ne serait-ce que pour voir lequel d'entre nous tiendrait le plus longtemps. Du coup, ils se marraient, nos critiques, à croire qu'ils prenaient ça pour un cirque, à croire que de nous voir valser à la nuque du bestiau était irrésistible. Au moins ça détendait l'ambiance, ça dédramatisait. Mais à un moment ou à un autre il fallait bien que le coup parte, et là, en général, elle retombait d'un coup l'ambiance.
Vu de Serge Joncour - Éditions Folio - 193 pages
Commentaires
mercredi 27 août 2014 à 13h42
J'avais adoré ce roman. Je crois que c'est l'une des rares lectures (avec celle de La grande à bouche molle de Jaenada) qui a provoqué chez moi d'incontrôlables crises de fou rire dans les transports en commun !! Je me souviens notamment de l'épisode en voiture, avec la mémé installée derrière, face à la route..
dimanche 31 août 2014 à 16h51
Je ne ris beaucoup quand je lis, mais je te rejoins tout à fait pour ce titre, Ingannmic. Certaines scènes sont vraiment très réussies. Je me souviens en particulier de ce lâcher de pesticides en plein centre-ville !