C'est presque l'endroit rêvé pour le violoniste au cœur de ce récit. Professeur, il répond à un petite annonce et devient celui du jeune Aristeo dans la ville de Vivaldi. Il emménage dans la demeure familiale des Gambardelli, au coeur de la ville. il découvre un monde inconnu, émerveillé : les promenades le long des canaux, la lumière qui change constamment, la population bigarrée et diverse qui se promène. Tout cela devient un spectacle pour lui, au point qu'il prend quelques restaurants bien situés comme lieu d'inspection.

C'est assis dans un de ses restaurants qu'il fait la rencontre d'un couple qui l'intrigue : un homme âgé, aveugle, et une jeune femme. Sont-ils amants ? Anciens amants ? Est-ce sa fille ? Ou simplement une garde-malade ? Toujours est-il qu'il se prend de passion pour leur histoire, qu'il essaie d'espionner du coin de l'oreille sans se faire remarquer. Les parties du roman situés à Venise sont les plus intéressantes, les plus subtiles : on se prend presque d'amour, comme le héros, pour cette ville qu'il découvre. On s'imagine se promener avec lui, attraper quelques bribes de paroles et inventer une histoire, monter sur les terrasses des hôtels, regarder les églises.

Car malheureusement, lorsque le lecteur quitte Venise comme l'invite à le faire le titre, le roman s'essouffle. Car notre héros, outre ses promenades, réfléchit beaucoup, notamment sur sa vie passée. Son histoire familiale, racontée par sa grand-mère, et qu'il se désespère d'avoir oublié. Sa vie au Brésil, dans une communauté autonome, où il a vécu le grand amour de sa vie. Si le thème de la transmission est ici très finement et tristement traité avec cet oubli inconscient, je me suis un peu perdu dans les considérations introspectives. Comme dans Manhattan, premier roman de l'auteur, l'ouvrage donne lieu à une plongée dans l'intime, dans l'histoire. Et comme dans Manhattan, c'est une maladie, ici des crises de douleur, qui sonne le début de cette réflexion. En voulant élargir son propos à des sujets douloureux, c'est comme si Anne Révah perdait l'intensité de son récit initial, qui heureusement parcourt l'ensemble de l'ouvrage.

Et puis, il y a cette révélation finale, dont je ne peux pas dévoiler le traitre mot ici (et qui m'a donné bien du mal dans la rédaction de ce billet, pour tout vous dire). Révélation pas essentielle pour l'intrigue et qui finalement trouve parfaitement sa place dans une ville comme Venise, mais qui semble, malheureusement, avoir été le fil conducteur de cette narration.

Du même auteur : Manhattan

  Yohan

Extrait :

C'était une petite scène de théâtre. J'écoutais mes voisins, sans quitter Venise des yeux, ses passants, fébriles figurines qui marchaient sans s'arrêter devant le restaurant, ses vaporetti qui bourdonnaient en s'éloignant et en se rapprochant du quai. Et surtout, il y avait la lumière, ses inépuisables variations. Je les attendais, les espérais, me laissais surprendre.

C'est là que je vis Marianne pour la première fois.

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Quitter Venise
d'Anne Révah - Éditions Mercure de France - 131 pages